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il s’agit d’une sorte de base intermédiaire, de jalon de cette ligne d’opérations qui, aussitôt l’armée débarquée, deviendra sa ligne de communications. Mais la vraie base de l’armée est au point même de la descente ou au port de commerce le plus proche, — il y en a de tout proches des plages de débarquement, dans les cas auxquels je viens de faire allusion, — dont on s’emparera aussitôt, comme Bonaparte, descendu à Aboukir, enleva immédiatement Alexandrie.

L’organisation de cette base, qui doit être en même temps le noyau d’un camp retranché inexpugnable, est un des facteurs essentiels du succès. Remarquons qu’avec un plan d’opérations bien étudié à loisir et prévoyant plusieurs points de descente, suivant les circonstances, on peut disposer presque tout à l’avance, wharfs, engins de levage, voies ferrées de diverses largeurs, wagons et wagonnets, magasins démontables, ambulances, parcs à charbons, réservoirs à pétrole, hangars d’aérostation, chaudières distillatoires, moteurs et transmissions, etc.

A cet égard, l’organisation des divisions et des services à l’arrière de la » force expéditionnaire » anglaise de 1914, pour le cas de descente en pays ennemi, était déjà remarquable. On ferait encore mieux aujourd’hui, après deux ans de guerre, après l’expérience des Dardanelles et même celle de Kout-el-Amara. Car rien n’instruit comme les échecs.


Je n’ai pas besoin de dire que s’il est essentiel de créer en toute hâte, à terre, le camp retranché qui subira les assauts du défenseur pendant la période critique de l’organisation de l’armée, il ne l’est pas moins d’assurer la sécurité de la portion de la flotte de transport qui doit toujours rester là, en cas de réembarquement forcé, tandis qu’une autre portion sera chargée de l’incessante navette entre l’armée expéditionnaire et nos ports. A cet égard, on peut compter sur les progrès que les marins ont faits depuis vingt-sept mois dans l’art difficile de « retrancher » une force navale obligée de rester au mouillage. Les sous-marins, leurs torpilles, leurs mines, fixes ou dérivantes, nous ont fait du mal. Mais ils nous ont beaucoup appris. J’ajoute que si l’on dispose d’un port et surtout d’un port de rivière à chenal étendu et profond, le problème de la protection des bâtimens sera singulièrement simplifié.