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ici, qu’on n’aurait jamais assez de bâtimens légers. On l’a reconnu, et, pour combler des lacunes criantes, sur lesquelles on n’avait pas daigné jeter les yeux au beau temps où l’on ne pensait qu’à entasser dreadnoughts sur dreadnoughts, on a dû faire flèche de tout bois. J’ajoute qu’après un déplorable arrêt de quelques mois, on s’est remis à construire des unités légères, de plongée et de surface. Enfin on a pu faire, en bon lieu, de judicieux achats. Mais ce n’est pas de nous seulement qu’il s’agit, ni simplement de « destroyers » et de submersibles. Il convient que nos Alliés songent aux bâtimens fluviaux à fond plat, et cependant bien armés [1], qui seront peut-être appelés à flanquer une des ailes de l’armée le long d’un grand fleuve ou à maîtriser rapidement un Haff dont les transports devront remonter le chenal. C’est aussi important que de multiplier le nombre des contre-torpilleurs qui, vigilans « chiens de garde, » courront sur le flanc des colonnes de paquebots pour en écarter les sous-marins.

Et les appareils aériens, les hydravions, les dirigeables, peut-être, — qu’il n’est pas nécessaire de concevoir aussi gigantesques que les « super-zeppelins, » — et les navires spéciaux affectés à ces appareils ; et les ravitailleurs de flottilles, les navires-ateliers, les citernes à eau et à pétrole, les charbonniers, etc. !...

Oui, tout cela est compliqué. Tout cela veut de la prévoyance, d’exacts calculs, de la volonté, de la persévérance. Mais osera-t-on dire qu’il y a là des « difficultés insurmontables » pour de grandes Puissances maritimes ?


Arrivons à la phase terminale, que nous désignons plus spécialement sous le nom de phase militaire, et comprenons-y le débarquement, l’organisation de la base, la marche en avant, l’entretien continu de l’armée par l’afflux régulier des renforts, des munitions, du matériel, des vivres.

  1. J’ai quelques raisons de douter que l’imagination des ingénieurs navals ait pu se donner libre carrière à ce sujet. En revanche, j’ai eu communication d’un plan de « radeau armé, » fort ingénieux et séduisant, mais qui a été dressé par... un architecte parisien. Je ne sais ce que ce plan a pu devenir. Je crois pouvoir affirmer que si les Anglais avaient eu sur le Chatt El Arab, le Tigre et l’Euphrate des engins de ce genre, ils auraient réussi à faire passer des vivres et des munitions aux assiégés de Kout El Amara.