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avec l’attention la plus soutenue. Nul ne peut oublier chez nous que la voie de communication des Alliés de l’Ouest et de la Russie emprunte nécessairement, l’hiver, le territoire et les rails de la Suède [1].

Un publiciste très écouté s’écriait dernièrement : « Il faut atout prix rouvrir les détroits ottomans ou, si on ne le peut pas, donner à l’armée de Salonique les renforts qui lui sont nécessaires pour percer jusqu’à l’armée russo-roumaine. » Fort bien ! mais il faut aussi rouvrir les détroits danois et que les flottes de l’Ouest donnent enfin la main à la flotte russe de la Baltique.


Dans quelle mesure la phase maritime de l’opération mordra-t-elle sur la phase diplomatique, c’est ce que l’on me permettra de ne point examiner. Non point qu’il n’y ait là sujet d’importantes observations ; mais, justement, ces observations seraient d’un caractère trop précis, partant trop délicat.

Je rappellerai cependant, — puisqu’on me l’a déjà laissé dire, — qu’il doit y avoir, dans la phase maritime, certaines opérations préliminaires tout à fait essentielles. J’ai cité l’une de ces opérations, l’oblitération du canal maritime allemand. Ce canal est, en effet, établi de telle sorte qu’il est justiciable des entreprises des grands appareils aériens de bombardement que nous construisons enfin, aujourd’hui, et qui viennent de donner, à Essen, la mesure de ce qu’ils peuvent faire, à condition qu’on les emploie en masses et avec une rigoureuse méthode. Mais, aux escadrilles que l’on constituera pour cet objet, il faut une base bien organisée et assez rapprochée du but à atteindre. J’ai à peu près désigné cette base, qui n’est qu’à une centaine de kilomètres

  1. Ce n’est un secret pour personne et, d’ailleurs, les quotidiens en ont parlé déjà, que, pendant trois mois au moins, de novembre à fin janvier de cette année, les Alliés seront encore tributaires de la Suède à cet égard. C’est que, la Mer Blanche étant fermée, les navires venant d’un port de la Grande-Bretagne ou de la France n’auront accès que dans le fjord de Kola, sur la côte mourmane (au Sud-Est de la Laponie norvégienne et du fjord de Varanger). Malheureusement, le chemin de fer Alexandrowsk-Kola-Petrograd ne sera terminé que vers le commencement de février au plus tôt. Dès lors, nous ne pouvons pas bénéficier pratiquement de l’avantage d’avoir la mer libre en face des quais d’Alexandrowsk, et il faut bien recourir au trajet Narvik (Norvège) Lulea (Suède) Tornéa-Uléaborg, etc.