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peu et dont le cœur se gonfle, plein des souvenirs de sa gloire passée.

Quant aux Suédois, c’est tout autre chose. On sait quelles furent, dès le début de la guerre, les sympathies avouées de tous les organismes dirigeans et des « intellectuels » du royaume, — je ne parle pas de l’armée, cela va sans dire, — pour la cause des Puissances centrales. Les moins gallophobes de ces germanophiles militans, désireux de nous expliquer les raisons profondes de leur attitude, ne marchandaient pas à prétendre que, pour les Suédois, la Finlande était une Alsace-Lorraine et qu’ils avaient donc pour les Russes les sentimens que nous professions nous-mêmes, depuis 1871, à l’endroit des détenteurs de Strasbourg et de Metz. C’était tout à fait l’argumentum ad hominem. J’eus l’occasion, un jour, de demander à l’un de ces amis de la France, — car qui n’est point, chez les neutres cultivés, ami de la France ?... — ce qu’il pensait de la Prusse, qui a mis la main sur Rügen, Stralsund et la Poméranie suédoise depuis 1815, tandis que la Russie possède la Finlande depuis 1809. Il me parut que cette question l’embarrassait.

Quoi qu’il en soit, la pression allemande, dont le succès avait peut-être un peu diminué, au cours de cette année, s’est fait sentir plus vivement que jamais en Suède depuis la « défection » de la Roumanie, et il est visible que la diplomatie impériale serait heureuse de trouver dans le Nord une compensation à ses déboires dans le Sud. Je doute qu’elle ait jamais cette satisfaction, et il n’est pas certain que ce soit à l’instigation de l’Allemagne qu’ait été lancée dernièrement la note sur la passe de Kogrund, au sujet de laquelle les Alliés ont fait entendre à Stockholm de justes protestations.

Outre que tout espoir n’est pas perdu d’arriver dans cette affaire à une transaction satisfaisante, on peut, là encore, compter sur la maladresse de nos ennemis, qui excellent à gâter par la brutalité de leurs gestes l’effet de leurs paroles mielleuses et de leurs suggestions insinuantes. Les marins suédois nous affirment avec quelque complaisance que le premier bâtiment étranger qu’ils ont expulsé de la passe de Kogrund fut un sous-marin allemand. Il y a eu déjà, il y aura encore entre amis si intimes d’autres incidens et des froissemens plus graves. Cependant, il est clair que les Alliés doivent suivre ce qui se passe entre les deux rives de la Baltique méridionale