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dans la répugnance que témoignent en général les militaires pour les opérations d’outre-mer, et qui n’a d’égale que celle que manifestent instinctivement les marins quand on leur parle de transporter une armée.

Ne nous en inquiétons pas. Les uns et les autres ont suffisamment prouvé, dans cette guerre, qu’ils savaient vaincre des sentimens dont on trouve l’explication très naturelle d’une part dans l’appréhension causée par des périls d’un genre tout nouveau [1], de l’autre dans la lourdeur des responsabilités encourues.

Appliquons maintenant notre principe de la nécessité d’un examen particulier pour chaque cas bien défini, à l’étude d’une opération combinée qui s’imposera tôt ou tard comme l’acte terminal du grand drame qui se joue depuis vingt-six mois. Mais, précisément, — et c’est la première « difficulté, » — je ne saurais désigner cette opération d’une manière plus expresse sans inconvéniens majeurs pour l’intégrité de cet article. Je compte donc sur la sagacité des lecteurs de cette Revue, trop avertis pour ne me point entendre à demi-mot.


L’opération combinée dont il s’agit comporte plusieurs phases et tout d’abord ce que j’appellerai la phase de préparation politique.

Il faut en effet persuader nos Alliés, — après nous être persuadés nous-mêmes, — de l’urgence de fermer exactement le cercle d’acier qui enserre, aux trois quarts seulement, le corps puissant de l’Allemagne. Je ne veux point me montrer sévère au sujet de la conception fondamentale qui a fait préférer le blocus à distance des côtes de l’Allemagne au blocus rapproché, au blocus « effectif. » J’ai d’ailleurs la conviction que ce sont surtout les circonstances du début de la guerre qui sont responsables de l’orientation qui a été donnée ainsi à l’effort des Alliés sur le « quatrième front, » mais, sans revenir sur les considérations que j’exposais ici même,

  1. Je me souviens que, parlant à mes auditeurs de l’École de guerre du danger qui pouvait résulter, pour les transports, d’une attaque de torpilleurs (il n’était guère question alors de sous-marins), je sentis très bien que ce n’était point du tout la même chose, pour la plupart d’entre eux, de tomber sur un champ de bataille ou d’être noyé à la suite d’un coup de torpille. Voyez cependant comme sont morts courageusement et noblement les officiers du malheureux régiment que transportait la Provence !