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d’examiner les obstacles qui s’opposent à la réussite d’une opération de ce genre. C’est ce que ne font malheureusement pas nos théoriciens. Ils condamnent en bloc ces opérations « parce que les effectifs transportés par mer sont insignifians, au regard de ceux des armées qui s’apprêtent à les recevoir ; parce qu’en présence des nouveaux engins sous-marins, les transports de troupes sont trop dangereux ; parce que l’organisation d’une base d’opérations satisfaisant aux besoins des armées modernes, sur le littoral ennemi, devient chose trop compliquée ; parce que les premières troupes débarquées risquent trop d’être rejetées à la mer, les chemins de fer permettant au défenseur d’amener à pied d’œuvre des effectifs plus nourris que ceux que les vaisseaux peuvent « débiter » dans le même temps ; enfin parce que, en supposant que la descente réussisse, l’armée débarquée ne pourra pas gagner dans le pays ; elle sera, en effet, étreinte aussitôt par les organisations défensives de l’ennemi... »

Tout cela est fort bien. Ce sont de ces argumens abstraits » toujours séduisans pour les cerveaux français, mais dont la brièveté tranchante ne saurait satisfaire ceux qui réfléchissent sur la diversité des « cas d’espèce. » Que restera-t-il, par exemple, du premier, si j’observe qu’un effectif de 100 000 hommes, bien faible, en effet, au début d’une guerre européenne où l’on ne compte que par groupes d’armées dont chacune compte 120 ou 130 000 soldats, prendra une importance relative beaucoup plus grande à la fin de la lutte, lorsque le belligérant que l’on veut assaillir sur son propre sol aura déjà épuisé ses réserves et qu’il aura de la peine à alimenter ses fronts continentaux ? Qu’en restera-t-il surtout, si j’ajoute que tel cas peut se présenter où les 100 000 hommes en question trouveront sur place le renfort d’une armée étrangère et qu’au demeurant, si l’on reste maitre de la mer, si l’on a encore des contingens disponibles, rien n’empêche d’envoyer, au secours du premier, un deuxième échelon d’unités organisées et prêtes à combattre. Il n’y a point de raison pour que le second effort demandé à la marine ne réussisse pas comme le premier...

Les sous-marins ? Mais ont-ils empêché le transport des armées alliées aux Dardanelles, puis en Macédoine ; et l’armée serbe n’est-elle pas arrivée sans encombre à Salonique ? Je ne dis rien du continuel va-et-vient du Pas de Calais, parce que, dans ce cas, la solution est vraiment facile du problème de la