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la Belgique ; cette reconnaissance sera pour l’Espagne et son Roi le plus doux des remerciemens. Nous avons choisi, pour en envoyer l’expression au gouvernement espagnol, le moment où l’on vient d’apprendre que, grâce à ses démarches instantes, nos malheureux compatriotes de Lille, Roubaix et Tourcoing vont prochainement voir cesser les mesures odieuses que l’Allemagne avait prises contre eux, au mépris du plus élémentaire droit des gens.


Le 25 décembre 1915 eut lieu, dans un grand théâtre de Bruxelles, une cérémonie inattendue. Le marquis de Villalobar, ministre d’Espagne, avait eu la touchante idée d’offrir un arbre de Noël aux enfans dont les pères, Belges et Français, étaient à la guerre. Grâce à la générosité des commerçans et à leur solidarité entre eux, le bel arbre fut chargé de poupées, de polichinelles, de bonbons, de layettes, de vêtemens chauds, de provisions de toutes sortes. Lorsque les portes du théâtre s’ouvrirent, six mille personnes entrèrent dans la salle.

La police allemande s’était effacée devant la police belge, qui veillait au bon ordre de cette foule de femmes et d’enfans.

Le marquis de Villalobar, considéré par les Belges comme un bienfaiteur, avait dit :

— Pas de manifestations, pas de cris, pas d’imprudences !

Chacun obéit. Les larmes qui coulèrent en cette soirée de Noël ne furent ni les larmes de la colère ni celles de la douleur, mais les larmes de l’espérance. L’arbre de feu, rallumé par les mains pieuses d’un jeune roi et de son ministre, dans son flamboiement apparaissait à cette foule en deuil comme le symbole sacré de la renaissance pour la famille, la cité, la patrie, de cette vie libre et impérissable, autant par le droit que par le sacrifice innombrable des vivans et des morts.


GABRIELLE RÉVAL.