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nous pour les leurs. Et que les mères comme moi vont vous bénir ! J’avais trois fils à la guerre, hélas ! il ne m’en reste peut-être plus qu’un. Le plus jeune a été tué à vingt-trois ans, lieutenant, aux Éparges, avec trois citations, la croix de guerre. L’aîné a disparu le 5 octobre 1914 près d’Arras. Malgré nos recherches, nous n’avons plus eu aucune nouvelle.

Ah ! si aidé par votre secrétaire particulier que je bénis aussi, don Emilio de Torrès, vous pouviez nous renseigner sur le sort de notre pauvre enfant, comme nous vous bénirions !

Excusez-moi d’oser vous écrire, mais je vous vénère et tous bénis.

Une pauvre mère bien reconnaissante et respectueuse.


Une autre dit :


Si au moins je pouvais savoir qu’il vit, ce serait une grande satisfaction. Aussi je vous supplie.

C’est une épouse, une mère d’une fillette que son père ne connaît pas, qui se recommande à votre bon cœur. J’ai la plus grande confiance en Votre Majesté.

Agréez, Monsieur et Madame, mes meilleures salutations.


Une évacuée du Nord :


Monsieur Alphonse XIII,

Ayant vu plusieurs fois dans les journaux que vous pourrez donner des renseignemens aux parens d’après un effet de votre bonne volonté, je me présente à vous, avec les détails que je puis vous donner en espérant avoir une trace de quelque chose.

Lieutenant X... disparu le 11 novembre 1914 à Lambaertzyde. Tous les rapatriés d’Allemagne qui étaient sous ses ordres et qui sont revenus comme grands blessés nous ont tous dit l’avoir vu grièvement atteint. Je voudrais bien aussi avoir des renseignemens sur le sort de mon frère, X... J’ai bien reçu l’avis de décès qui n’est pas officiel.

Je vous dirai qu’il y a un monsieur le capitaine qui dirige un régiment à Lempdes et qui a fait la demande au dépôt. Il a obtenu comme réponse que sa lettre restera classée...

Je serai si heureuse si vous pouviez me diminuer mes peines.

Et je vous en remercie mille fois à l’avance pour le bon cœur et le dérangement que vous prenez pour moi.

Recevez, monsieur Alphonse XIII, l’assurance de mes meilleurs sentimens.


Lorsqu’il est impossible de retrouver le disparu, — mort ou vif, — la lettre des parens est définitivement classée. Hélas ! j’ai vu dans un des salons du Palacio real, qui leur est consacré, 150 000 de ces lettres, qui représentent le mystère de 150 000 existences dont on ne saura peut-être jamais rien. Une armée entière tient dans ce petit espace, sous une croix entourée de