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c’est la cruelle incertitude de son sort, d’attente si angoissante d’une nouvelle qui ne vient jamais. Le second n’avait pas vingt ans ; à l’exemple de son frère, il signa un engagement volontaire de quatre ans. Dieu jusqu’ici l’a protégé. Aurions-nous eu davantage de fils, avec fierté nous les eussions vus partir pour défendre notre France ; mais vivre depuis plus de dix-huit mois sans rien savoir, se demandant chaque jour si le suprême sacrifice est consommé, c’est une angoisse bien grande pour les mères.

Sa Gracieuse Majesté la Reine, en contemplant ses royals enfans, a, j’en suis convaincue, son cœur rempli de tristesse et de pitié pour toutes ces mères qui n’auront plus de fils. Toutes nos démarches ont été vaines jusqu’ici. Peut-être, par cette lettre, obtiendrons-nous quelque résultat.

Que Votre Majesté daigne recevoir le très humble et bien respectueux hommage d’une pauvre mère infiniment reconnaissante.


D’une autre mère française :


Je souffre atrocement de ne pas savoir ce qu’est devenu notre cher petit et préférerais, je crois, la certitude exacte de sa mort, d’avoir une tombe où pouvoir aller prier, que de vivre depuis si longtemps dans une si cruelle incertitude, qui vous consume à petit feu. C’est horrible, Monsieur, surtout que les deux frères de ce malheureux enfant sont déjà au champ d’honneur. Si notre dernier fils Charles est mort, nous n’avons plus de fils.

Une malheureuse mère qui a mis en vous son suprême espoir.


D’une épouse, dont l’écriture est toute tremblante, qui s’adresse au Roi comme à Notre-Seigneur :


Seigneur,

J’ai recours à votre bonté pour mon mari, disparu le 27 septembre 1915, devant Souchez...

Sa Majesté, recevez mes sentimens les plus respectueux.


Et cette lettre si touchante d’une petite fille, qui a réglé son papier blanc et écrit d’une grosse écriture écolière :


Monsieur, j’ai l’honneur de vous adresser cette lettre pour vous demander des nouvelles de mon frère. Nous sommes tous dans l’angoisse et ma mère est bien malade ; elle ne peut pas se consoler. Seriez-vous assez bon pour me donner des nouvelles. Voici son adresse...

Je vous salue et vous remercie...


Encore cette autre :


Oh ! grand petit roi que la France aime et vénère, que vous êtes bon de vous occuper des prisonniers et des disparus, les plus malheureux de tous peut-être, car ces sauvages ne sont pas humains pour les nôtres, comme