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de la maison d’Autriche, la vivacité du regard, l’expression de la physionomie, le charme du sourire tendre et moqueur sont des biens de chez nous.

Les yeux sont bruns ; tout à coup, ils pétillent, et tout à coup ils s’embrument. Ces yeux de jeune homme ne sont pas contraints à la prudente réserve imposée aux paroles d’un roi ; dans leur muet langage, ils livrent une âme généreuse et tendre, une âme avide d’héroïsme et pleine de fraîcheur, de franchise impétueuse et de confiance ! Avec quel feu Sa Majesté m’a dit :

— J’aime la France...

Il ne m’est pas permis d’en répéter davantage.

Faisant allusion aux prières qu’on lui adresse :

— J’ai admiré dans les lettres qu’on m’écrit de France l’abnégation des familles frappées par la guerre. Pas une plainte. Tout pour la patrie ! Quelle noblesse de sentiment ! Quel bonheur pour moi quand je puis répondre à ces lettres par l’annonce d’une bonne nouvelle !

Je sais que, sur l’ordre du Roi, on télégraphie aux familles françaises les nouvelles heureuses. Mais si la réponse arrivée de Berlin est mauvaise, pour atténuer la douleur qu’elle va causer, c’est au curé de la paroisse ou au maire de la commune que le Secrétaire particulier de Sa Majesté fait adresser la lettre :

« J’ai le regret de porter à votre connaissance que, d’après une lettre que je viens de recevoir de l’ambassadeur de Sa Majesté à Berlin, malgré les recherches minutieuses entreprises à l’ambassade d’Espagne et à la Croix-Rouge en vue d’obtenir des renseignemens au sujet de... on a pu seulement constater qu’il est mort en offrant généreusement sa vie pour la Patrie.

« Je vous serais reconnaissant de vouloir bien transmettre avec tous les égards possibles cette triste nouvelle à... et je vous prie en même temps, au nom du Roi, de lui faire par- venir l’expression de ses sentimens de condoléance très sincère et de sympathie, etc. »

N’est-ce pas comme un salut de l’épée que le roi-soldat adresse aux héros morts pour la défense de la Patrie ?

Sa Majesté n’ignore pas que je connais dans tous ses détails l’œuvre qu’elle a créée à Madrid pour les prisonniers et les