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aucune des mille ressources que nous lui voyons aujourd’hui ?

Mais la faute en incombe à ceux qui avaient, avant la guerre, la responsabilité de ce service. Depuis la guerre, depuis que les vices de cette organisation néfaste ont ouvert les yeux des plus aveugles, de grandes réformes ont été faites, de grandes transformations ont été accomplies par les hommes qui ont eu la lourde charge de diriger le service de santé. La perfection n’est pas de ce monde, mais nous avons le droit de dire que, grâce aux efforts de tous et à la rude école des premiers mois de la guerre, le service de santé fonctionne actuellement dans des conditions satisfaisantes, et qui le seraient plus encore, si on réduisait fortement les pouvoirs d’une paperasserie malfaisante.


Le rôle du chirurgien commence avec la blessure, sur le champ de bataille même. Dans les premiers jours de la guerre, alors que les Allemands vaincus sur la Marne ne nous avaient pas encore imposé l’odieuse guerre souterraine qui les a momentanément sauvés, mais dont ils mourront, combien de blessés ont été secourus sous le feu même de l’ennemi ! Combien de médecins, combien de ces brancardiers héroïques, qui vont sans l’excitation du combat relever les blessés sous les balles et sous les obus, ont payé de leur vie l’accomplissement de leur devoir ! On ne dira jamais trop ce qu’il faut de fermeté d’âme et de véritable courage pour remplir dignement ce rôle en même temps obscur et magnifique. Et maintenant de quelle énergie physique et de quelle puissance morale ne doivent-ils pas faire preuve, pour transporter au loin, dans la boue glissante des boyaux tortueux, sous la mitraille incessante qui porte la mort avec elle, à travers mille obstacles sans cesse renouvelés, les blessés défaillans qui s’abandonnent et qui pèsent de tout leur poids ! Le poste de secours est loin parfois, et la route est semée d’obstacles ! Tous n’y parviennent pas, et la mort qui passe autour d’eux les couche bien souvent par terre et vient mêler leur sang au sang de leurs blessés.

C’est au poste de secours que se font en général le premier pansement et l’examen sérieux de la blessure. Jusque là, le pansement individuel, un tampon compressif, parfois même un garrot pour arrêter quelque hémorragie redoutable, un appareil de fortune fait avec un bâton quelconque, uni fusil, une baïonnette