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Vareddes, avaient été abandonnés par les Allemands en retraite, et gisaient depuis plusieurs jours, souvent sans pansement, sur la paille sanglante des ambulances de fortune où on les avait entassés. Les uns mouraient en arrivant : les autres, en proie à la stupeur des grandes infections, avec des plaies putrides, où j’ai vu grouiller les vers décrits dans les livres anciens, succombaient quelques heures après, malgré les traitemens les plus énergiques. Le plus grand nombre, heureusement, guérirent, grâce à des opérations immédiates, débridemens étendus, drainages multiples, amputations larges, et toutes les opérations sanglantes, qui transformaient en véritables charniers nos salles d’opérations habituées à des œuvres moins brutales. C’est dans ces jours terribles, mais dont la date restera fixée à jamais dans la mémoire des hommes, car ce furent les jours de la victoire immortelle qui a sauvé le monde, c’est dans ces jours que nous avons revu les désastres de la septicémie foudroyante et les ravages du tétanos, que nous n’avons observés à Paris, depuis cette époque, qu’à de lointains intervalles, au moment des grandes actions de l’Artois et de la Champagne, toutes les fois, en un mot, que le grand nombre des blessés nécessite l’évacuation vers l’arrière de ceux auxquels l’encombrement empêche de donner à l’avant les soins indispensables.

Certes, il y a eu, aux jours sanglans et magnifiques de la Marne, un inévitable désarroi, dont on a voulu, bien à tort, rendre responsable le service de santé. Celui-ci a fait ce qu’il a pu. Il y a eu sur l’immense front qui s’étendait de Paris à Verdun, un nombre énorme de blessés. Quand il s’agit de la victoire, ceux qui ne sont plus que les déchets sanglans de la bataille passent après les élémens actifs qui marchent au combat ou sont nécessaires à son développement, après les troupes fraîches, après les munitions, après les vivres, après les chevaux eux-mêmes.

Et s’il faut s’étonner d’une chose, ce n’est pas que des malheureux aient pu rester entassés pendant de longues heures ou d’interminables journées sur la paille des granges ou des écoles, où on les avait apportés ! c’est qu’on ait pu en débarrasser aussi rapidement, pour les envoyer au loin, les abords du front de bataille. Que pouvait faire, dans ces conditions, le service de santé, désorganisé par une retraite rapide, sans automobiles, sans trains sanitaires préparés d’avance, sans