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par le service de santé. L’institution du pansement individuel aseptique, que chaque soldat porte sur lui, a rendu les plus grands services, et il n’est pas douteux que bien des plaies non infectées, presque toujours par balles qui, par suite de leur forme pointue et du poli de leur surface, traversent les vêtemens sans rien entraîner avec elles, ont été protégées contre l’infection par ce pansement appliqué immédiatement sur le champ de bataille par le blessé lui-même, par quelque brancardier ou par un de ses camarades. Les applications presque immédiates de teinture d’iode, au moment même de la mise en place du pansement individuel ont eu aussi, sans aucun doute, de bons effets.

Nous pensions donc que, d’une manière générale, les blessés devaient arriver à l’ambulance avant toute infection ou en proie à une infection très légère.

Hélas ! nous n’avions pas compté sur les éclats d’obus et les débris de toute sorte qu’ils entraînent dans les tissus, et qui accompagnent aussi, bien que plus rarement, les balles elles-mêmes.

C’est de là que nous sont venus les plus terribles mécomptes. La forme même de cette guerre a donné une proportion inconnue jusqu’ici de blessures par éclats d’obus, projectiles d’artillerie ou grenades lancées à la main. Beaucoup de ces blessures sont terribles par leur étendue et les désordres immédiats qu’elles entraînent : mais, même lorsqu’elles paraissent légères et sont dues à des éclats de petit volume, la forme même de ces éclats, irréguliers et hérissés d’aspérités, fait qu’ils entraînent dans les tissus des corps étrangers de toute espèce et surtout des débris de vêtemens, qui provoquent, eux, les infections les plus rapides et les plus redoutables.

Aussi avons-nous été épouvantés, et je parle pour nous, chirurgiens de Paris, qui n’avions pas l’honneur d’être au premier rang et qui n’avions pas vu les blessés du mois d’août 1914, quand nous avons vu se déverser dans nos services le flot sanglant et douloureux des blessés de la Marne. Presque tous, il est vrai, étaient de grands blessés, apportés directement à Paris, dans des voitures d’ambulance, des champs de bataille voisins ou descendus des trains qui contournaient Paris parce qu’ils ne pouvaient aller plus loin sans risquer de mourir en route. Beaucoup, et en particulier les blessés de