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matin avait échoué de bien peu. Celle de la brigade mixte ne put avoir lieu que dans la matinée du 8. Le soir du 6 juin, c’est, au contraire, une violente attaque ennemie dans la région de Vaux qui échoua sous nos feux.

Enfin, est-il possible de comparer avec équité à la défense soutenue six jours dans les effroyables conditions que l’on sait, l’incontestable, mais combien plus explicable endurance des troupes d’assaut relevées, ravitaillées, abreuvées, ne serait-ce que par l’eau du ciel, — car la pluie tomba à diverses reprises, — et respirant un air qui n’était du moins pas contaminé et méphitique ?


Le véritable vainqueur du fort doit être nommé et le récit allemand ne prend pas garde qu’il le cite quand il dit : « Les hommes non blessés, depuis deux jours, n’avaient plus une goutte d’eau. » Plus une goutte d’eau, dans les couloirs empoisonnés par la fumée des grenades et par les gaz asphyxians ! Le véritable vainqueur du fort s’appelle la Soif.


XIII. — LE DERNIER EFFORT

Les monts sont hauts, ténébreux et immenses, les vallées profondes, les torrens rapides. Devant et derrière l’armée, les trompettes sonnent, et toutes semblent répondre à l’olifant. L’Empereur chevauche avec colère, et les Français courroucés et tristes avec lui. Pas un qui ne pleure et ne se lamente, pas un qui ne prie Dieu de protéger Roland jusqu’à ce qu’ils arrivent ensemble sur le champ de bataille et qu’ils frappent avec lui courageusement. Mais à quoi bon ? Tout cela est mutile ; ils sont trop en retard pour arriver à temps...


Le 7 juin, sauf son émouvant message de trois heures cinquante, le fort ne répond plus aux appels optiques. Le communiqué allemand a annoncé sa prise ; mais ne l’avait-il pas annoncée déjà le 9 mars ? Le commandement ne se rendra qu’à l’évidence. Il lui faudra la certitude pour qu’il renonce à dégager la garnison. Certes, l’ouvrage écrasé n’est qu’un point du front et n’a plus de valeur par lui-même. Mais il abrite peut-être encore sous ses tenaces voûtes des Français.

Le général Nivelle, commandant la 2e armée, adresse le 7 cet ordre du jour au groupement chargé des opérations dans la région de Vaux :

« La brigade mixte placée sous les ordres du colonel Savy,