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une partie de ce paysage accidenté qu’était devenu le dessus du fort. Par suite, les communications des Allemands avec cette partie supérieure, libres auparavant, se trouvèrent passablement limitées ; ils ne réussirent pas non plus à s’approcher suffisamment pour accabler de grenades le nouveau point d’appui.

« Chez les Français, se multipliaient les signes de faim et de soif. Quelques-uns réussirent, par le fossé de la gorge qui restait en leur possession, à s’échapper vers le bois de Montagne, devant le fort de Souville. Dans cette direction se trouvait la première ligne d’infanterie française. Par là, aussi, le commandant du fort, quand il n’eut plus de pigeons voyageurs, envoya des hommes de liaison. Les communications téléphoniques souterraines étaient détruites par les obus lourds.

« La position de la garnison française ne cessa d’empirer les 5 et 6 juin ; le nombre des morts et surtout des blessés s’accrut rapidement ; enfin il ne resta plus pour les blessés mêmes que 50 litres d’eau. Les hommes non blessés, depuis deux jours, n’en avaient pas une goutte et, depuis le 5, n’avaient presque rien mangé. Cependant les Français continuaient à tirer du côté de la gorge, par les embrasures de la caserne et celles des fossés, sur tout but qui se présentait. La garnison allemande du fort de Vaux subit ainsi des pertes. Elle en subit d’autres, particulièrement sensibles, sous les feux de flanquement continuels, que le point d’appui d’infanterie, muni d’un canon de campagne, situé tout près, à l’Ouest, envoyait sur le fort. La batterie haute de Damloup procédait également, du Sud, à un bombardement fort gênant.

« Le 6 juin après-midi, la situation des Allemands devint extrêmement difficile. Les casemates qu’ils occupaient furent énergiquement et continûment arrosées, d’abord de projectiles à gaz, quelque temps plus tard, d’obus lourds. Les deux bombardemens ne devaient être que les avant-coureurs d’une contre-attaque de l’infanterie visant à la reprise de l’ouvrage par le Sud-Ouest. Mais cette attaque fut brisée par l’effet foudroyant du tir de barrage allemand, qui commença à la seconde même où elle se déclencha,

« Aujourd’hui, au petit matin, la garnison française s’est rendue par l’organe de son commandant. Les prisonniers qui commencent d’arriver ici sont la vivante image de la désolation.

« KURT VON REDEN. »