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et j’espère que tu seras content. Je suis seule depuis quelques jours. L’Empereur est sur la rive droite à la tête de l’armée, mais il me donne tous les jours de ses nouvelles. Sa dernière lettre que j’ai reçue hier est datée de Louisbourg. Il a été reçu par l’électeur de Wurtemberg avec autant de joie que d’empressement, et il y a assisté à une noce. Il me mande que tout est aussi bien qu’il pourrait le désirer, que les armées ont fait leur jonction, qu’elles sont en marche et que les opérations l’empêcheront de m’écrire de cinq à six jours. Je pense qu’il se passera bien des choses d’ici à ces cinq ou six jours, mais tout nous fait espérer que ces opérations seront heureuses.

« Il marche vers Nordlingen, lieu déjà célèbre, et que, peut-être, il rendra plus célèbre encore par quelque nouvelle victoire. Mais, malgré ma pleine confiance, ce n’est pas tout à fait sans quelque peine que je me livre à ces idées. Ce qui m’a causé une bien grande satisfaction, c’est une lettre à ton sujet que j’ai reçue du maréchal Masséna. Il se loue beaucoup de toi, de ton accueil, de ton empressement à prévenir les besoins de l’armée et des sujets du royaume d’Italie. Tu devines aisément quel plaisir m’ont fait les éloges qu’il te donne, et je suis bien sûre que plus tu auras occasion de te faire connaître, plus j’en aurai aussi d’entendre répéter tes louanges. Ma santé est très bonne. Je vais souvent me promener aux environs de la ville et je lis une autre partie de la journée. C’est ce que je puis faire de mieux loin de l’Empereur et loin de toi. J’ai reçu hier des nouvelles de ta sœur. Elle se porte très bien. Adieu, mon cher Eugène ; adieu, le meilleur des fils. Donne-moi souvent de tes nouvelles et surtout, je te le répète, sois tranquille et sans aucune impatience.

« JOSÉPHINE.


« Dis mille choses aimables à Méjan et que ses lettres me font grand plaisir à recevoir. Rappelle-moi au souvenir de Mme Litta et des dames du Palais. Envoie-moi de la musique et une bonne chanteuse que j’attacherai à ma chambre. »

Trois jours plus tard, Joséphine annonce à son fils la victoire de Wertingen (16 vendémiaire, 8 octobre), mais elle ne dit point que c’est Murat qui l’a remportée.