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Marengo, y est remarqué et la récompense ne se fait pas attendre. Un mois après, le 29 messidor (18 juillet 1800), il est, à dix-neuf ans, chef d’escadron, commandant les chasseurs à cheval de la Garde consulaire : quelle vie ! quelle fortune ! Tout s’empresse vers lui, si bien que, ne croyant plus à des cruelles, il se fait rabrouer par Mme Récamier. Il fait ménage avec Bessières, qui commande en chef la cavalerie de la Garde et qui le semonce à l’occasion ; mais, à la campagne, pour être plus libre, quoique à portée de Malmaison, il reçoit de son beau-père le pavillon de la Jonchère, acheté pour lui 40 000 livres métalliques. Il est comblé d’argent, comme il est comblé d’honneurs. Le 21 vendémiaire an XI (18 octobre 1802), il est promu, à vingt et un ans tout juste, colonel de ce régiment des Chasseurs de la Garde des Consuls, qui vaut une brigade et bientôt une division, qui est bien, au propre, la Garde à cheval, corps privilégié par sa solde, sa tenue, ses garnisons, son service, et qui passe de loin en faveur les grenadiers à cheval, seuls à mettre en parallèle. Il reçoit d’abord de son beau-père 30 000 francs de traitement annuel, puis, à la fin de 1803, 150 000 francs. Les gratifications sont de même force : en l’an XI, 50 000 francs le 1er frimaire (novembre 1802), 100 000 le 30 germinal (20 avril 1803). On rachète pour lui, moyennant 120 000 francs, de son oncle François de Beauharnais, la moitié indivise d’une habitation située à Saint-Domingue, dite Lacul. On achète pour lui, moyennant 194 975 francs, un hôtel situé rue de Lille, « entre une cour décorée de peupliers et un jardin planté à l’anglaise en arbres exotiques et indigènes et donnant en terrasse sur le quai Bonaparte ; » cet hôtel, que Germain Boffrand a construit en 1723, sur un terrain acheté de Jean de Bédé et de Guillaume du Villeroy, a passé tout de suite (en 1715) à Jean-Baptiste-Colbert de Torcy, l’illustre ministre, et des héritiers de celui-ci à Gabriel-Louis de Neufville-Villeroy, dont les ayans droit l’ont vendu à des marchands de biens. C’est un des plus beaux emplacemens qui soient à Paris, car la vue s’étend alors sur des jardins bordant le fleuve, sur les Tuileries se silhouettant entre les arbres de la terrasse du Bord de l’Eau ; de l’autre côté sur la place de la Concorde et ses palais, les Champs-Elysées et au retour du fleuve, après l’allée des Veuves, la montagne de Chaillot. Mais où sont-ils, les correspondans du petit Beauharnais :