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(octobre). A ce moment, Joséphine, qui a de nouvelles liaisons avec Barras, réclame son fils à Hoche qui le lui renvoie et elle le place à Saint-Germain-en-Laye, dans la pension, dite Collège irlandais, que vient d’ouvrir, en face de l’Institution nationale de Saint-Germain, tenue par Mme Campan, un sieur Patrice Mac Dermott, qui fut, dit-on, précepteur du jeune Campan.

Puis c’est Vendémiaire, la mitraillade du cul-de-sac Dauphin, la protestation étouffée, le général Buona-Parte promu général en chef de l’Armée de l’Intérieur, le désarmement des Parisiens, la visite, au Quartier général, d’Eugène réclamant le sabre de son père, l’accueil que lui fait Bonaparte, et le reste. Car de là, la prodigieuse fortune des Beauharnais, de tous les Beauharnais et de tous les Tascher, même ceux qui ont émigré.

Eugène est toujours chez Mac Dermott ou plutôt chez Mestro, son successeur. N’était que la chère maman vient bien rarement à Saint-Germain les voir, sa sœur et lui ; n’était qu’elle oublie d’envoyer les effets qu’il réclame et même l’argent de sa pension, tout irait bien, car, à Saint-Germain même, le marquis et Mme Renaudin, celle-ci à la fin épousée, sont toujours prêts à gâter les enfans. Eugène se développe en force et en agilité, tant que, dans une des fêtes civiques, il emporte le prix de la course à pied.

Bonaparte, comme beau-père, n’est point gênant : il est parti à la conquête de l’Italie, et, pour la première fois qu’il s’en mêle, il réussit assez. Dans chacune de ces lettres, écrites avec la lave brûlante, « que lance le volcan de son cœur, » dans chacune de ces lettres qui marquent d’un signe d’amour chaque station de la voie triomphale, il a, pour les enfans, un souvenir, une tendresse, quelque chose de paternel, car il a adopté toutes les affections de sa maîtresse, il les a réalisées telles que la nature eût dû les lui inspirer à elle, et il rêve de cette paternité. En même temps, il se fait presque le contemporain de ces enfans et se rangerait volontiers à être leur frère, sous la maternité tendre de Joséphine. Tout ce qui est sentiment vient de Rousseau et comment s’étonner de trouver cette nuance, qui rappelle au souvenir la pervenche des Charmettes ?

Joséphine à la fin contrainte à partir pour triompher avec cet époux qui menace de planter là la victoire si sa maîtresse n’arrive pas, la vie pour les enfans est d’une dissipation qui ne doit guère aider à leurs études, ni à leur formation morale.