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apprend cette escapade, expédie un courrier avec ordre de s’opposer à l’émigration de ses enfans et de lui ramener, à Strasbourg, Eugène qu’il place au collège (septembre 92).

Il y reste tout juste une année. Alexandre, obligé, dans les dix heures, de quitter l’armée qu’il avait commandée, l’a laissé au collège, qui bientôt va fermer. Le garçon rejoint à Croissy, le 28 septembre 1793, sa mère réfugiée dans cette campagne, près d’amis dévoués. Il est placé comme apprenti menuisier chez le père Cochard, agent national de la Commune, ce qui vaut à sa mère un certificat civique, et, étant réputé patriote, il reçoit, le 19 octobre, un sabre et un fusil.

Son civisme de douze ans et demi ne sauve pas ses parens. Le 25 mars 1794 (12 ventôse III), sur un arrêté du Comité de sûreté générale, Beauharnais est arrêté à la Ferté-Aurain où il s’est retiré ; il est amené à Paris, écroué aux Carmes le 14 mars. Un mois plus tard, le 19 avril (30 germinal), le Comité de Salut public ordonne l’arrestation de Joséphine qui, le 2 floréal, rejoint son mari en prison. Les enfans sont restés avec leur gouvernante, la citoyenne Lannoy, qui s’emploie pour eux avec le plus grand dévouement, fait rédiger, écrire, porter des pétitions où « d’innocens enfans » réclament alternativement la liberté de leur père et de leur tendre mère. Alexandre est trop en vue pour qu’on l’oublie dans ces fournées, qui, en juillet 94, vident les prisons, comme, deux ans auparavant, avaient fait les massacres. Il est guillotiné, le 5 thermidor (23 juillet). Quatre jours plus tard, ce qui s’écroule sous l’irrésistible et muette poussée du peuple, ce n’est pas comme on a dit la tyrannie d’un homme, c’est le système d’une faction. Joséphine fut des premières mise en liberté, le 19 thermidor (6 août).

Enfermé aux Carmes, par la volonté de Saint-Just et sous la signature de Carnot, le général Hoche y a fait la connaissance de Joséphine. Mis en liberté le 17 thermidor (4 août), il reste quelques jours à Paris en liaison avec elle, avant d’aller prendre le commandement de l’armée des Côtes de Cherbourg. Il emmène Eugène le 15 fructidor (1er septembre 94). Joséphine le lui confie et « il s’habitue à le considérer comme son fils. » Voilà donc Eugène avec Hoche, faisant le petit officier d’état-major, de fructidor an II à fructidor an III (septembre 95) (il doit donc avoir été à Quiberon), peut-être à vendémiaire an IV