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séparation qu’il restera à son père, mais que celui-ci le laissera jusqu’à l’âge de cinq ans sous les yeux de sa mère dans l’appartement qu’il occupe à présent. Alexandre se chargera de tous les frais relatifs à son fils, lequel passera les étés avec sa mère à la campagne. Eugène demeure dans la même maison que sa mère, jusqu’au 3 septembre 1786. A partir de cette date, Euphémie habite sans doute un autre quartier, car on rencontre assez fréquemment des lettres que lui adresse Joséphine pour avoir des nouvelles de « son cher Eugène. » Ainsi passe l’hiver de 87. A l’été, Noisy étant vendu, Eugène vient à Fontainebleau chez son grand-père le marquis et chez son excellente tante Mme Renaudin, qui y sont récemment établis.

En juin 1788, au moment où Joséphine part pour les Iles avec sa fille Hortense, Eugène est placé dans l’institution la plus recherchée qui soit à Paris : l’Institution de la jeune noblesse, rue de Berry, « près le jardin Beaujon et la Porte Maillot, » Rien de plus cher : cent louis par an, sans compter le trousseau d’entrée et les arts d’agrément, mais on y rencontre ce qui est le mieux né, le plus élégant et le mieux en cour. On y fait des relations, et, parait-il, les études, sous MM. Lemoine et Loiseau, ne sont pas mal soignées. Joséphine revient en France en octobre 1790, Eugène est en pension et, sauf aux vacances où il rejoint sa mère à Fontainebleau, il la voit peu. Beauharnais, député de la noblesse du bailliage de Blois, aux États Généraux, grâce au fermier général Lavoisier, s’est signalé tout de suite dans la minorité de son Ordre : il a été adopté par la Révolution et il multiplie les motions égalitaires. L’on sait comme il présida l’Assemblée constituante lors du voyage de Varennes. Puis, l’Assemblée se sépare et, Cincinnatus parlementaire, l’ex-dictateur rentre dans l’obscurité. Le 7 décembre 1791, la guerre étant imminente, il reçoit l’ordre de rejoindre la 21e division à laquelle il est attaché en qualité d’adjudant général (lieutenant-colonel). Il rejoint son poste en janvier 92. Eugène est toujours dans sa pension Loiseau. Après le 10 août, Joséphine, prise de peur pour ses enfans, les confie à son amie, la princesse de Hohenzollern, laquelle, quittant Paris, va se réfugier dans une terre de son frère le prince de Salm, à Saint-Martin-en-Artois, en attendant une occasion de passer en Angleterre. Beauharnais, qui est à Strasbourg, maréchal de camp et chef d’état-major de l’Armée du Rhin, dès qu’il