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Alexandre et Joséphine sont mariés le 13 décembre 1779 à Noisy-le-Grand où Mme Renaudin possède une maison de campagne. Un fils — Eugène-Rose — naît le 3 septembre 1781, rue Thévenot, dans l’hôtel du marquis, avec lequel on fait vie commune aux frais du mineur. Déjà le ménage marche assez mal — s’il a jamais marché. Alexandre mène la vie de château et, par lettres, avec une insoutenable pédanterie, inflige à sa jeune femme des compositions littéraires et des pensums. Eugène, selon l’usage, est placé en nourrice aux environs de Noisy et le père, à qui le séjour de Paris ne vaut rien, s’en va faire un grand voyage en Italie. A son retour, le marquis et ses femmes ont déménagé, s’en sont venus habiter rue Neuve Saint-Charles au prolongement de la rue de la Pépinière, entre la rue de Courcelles et le faubourg Saint-Honoré. Le bail est au nom du vicomte, mais d’habiter il n’a garde. Après un mois de répit, il aspire à passer à la Martinique avec l’espoir de faire campagne sous M. de Bouillé ; M. de Bouillé ne veut point de lui, mais quelqu’un d’autre, une dame de Longpré qui le range à sa suite et, pour des raisons obscures, entreprend contre l’inoffensive Joséphine une guerre de calomnie perfide qui amène la séparation. Quand, en octobre 1783, Alexandre revient de la Martinique derrière cette femme, Joséphine est mère pour la seconde fois. Elle est accouchée, le 10 avril, de sa fille Hortense-Eugénie. Son mari s’est fait précéder de lettres insultantes ; c’est par les pires injures qu’il annonce son arrivée. La séparation est inévitable : Joséphine se retire au couvent de Panthémont, laissant sa fille en nourrice à Noisy, chez la mère Rousseau, et son fils Eugène aux soins d’Euphémie, une femme de couleur que jadis M. de Tascher amena en France et qui restera inébranlablement fidèle à ses maîtres. Eugène habite avec elle l’appartement où son père l’a établi, rue Saint-Charles.

La famille de Beauharnais a pris platoniquement parti pour Joséphine, mais nul ne saurait empêcher alors la reddition de comptes qui constitue la défaite définitive et la ruine de Mme Renaudin : peu importe qu’ensuite Joséphine, par l’acte de séparation du 5 mars 1785, ait gain de cause sur tous les points, reçoive de son mari les plus formelles excuses et obtienne une pension à peu près suffisante pour elle et pour sa fille qui lui est laissée.

Quant à Eugène-Rose, il est dit par l’article III de l’acte de