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pas. Plus tard, il fut uniquement aux mains de sa femme qu’il aimait, qu’il admirait et dont il était très orgueilleux, — avec une pointe de vanité. Aussi, pénétré de l’honneur qu’elle lui avait fait, suivait-il ses avis en toute chose et conformait-il sa vie à des désirs qu’elle n’avait pas même à exprimer.

Pour indiquer très sommairement quel il était, comme il avait pu s’instruire, s’éduquer, recevoir des idées et se former une conscience, une notice est nécessaire qui soit, autant que faire se peut, exacte et qui ne renferme que des faits authentiques. Cette notice d’ailleurs sera brève ; car sur des points on reste mal informé. Les lettres suivront, reliées seulement par le sommaire des faits, la plupart intimes, qui les motivent. Il faudra pourtant les situer dans le temps, et, sans entrer dans l’histoire politique ou militaire, y prendre une date ou un fait pour l’appliquer à la tête. De même pour des personnages de la famille Tascher ou Beauharnais, assez obscurs souvent pour qu’une indication soit utile. La plupart de ces lettres n’étaient datées que du quantième du mois. Le classement tel qu’il est présenté a été motivé par le texte ; on le trouvera peut-être justifié. On ne saurait affirmer que toutes les lettres de Joséphine à son fils se trouvent ici sans exception. Quelques-unes ont passé sur des catalogues d’autographes dont on connaît l’analyse. Si l’on faisait un recueil complet ou un travail d’ensemble, on n’eût pas manqué de les relever, aussi bien que celles qui ont paru ici ou là, celles surtout qui se rapportent à la crise de 1813. Mais tel n’a point été le but poursuivi ; il n’y a ici ni appréciation, ni polémique, une simple publication de textes.


I
ÉDUCATION D’UN PRINCE

Il y eut, à l’époque de la Révolution, des enfances si traversées par les événemens et les désastres qu’on se demande par quel prodige les petites âmes ont pu y résister. Au contraire, en sont-elles sorties trempées pour la vie et pourtant tendres et joyeuses. Rien ne peut plus les étonner, et tous les sentimens ensemble affluent dans ces cœurs que l’on eût crus desséchés par les souffrances précoces, par le repli sur soi-même, les larmes