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une compagnie grecque ? Il serait piquant (mais l’on rirait de nous) que, la Grèce étant empêchée de se joindre en bloc aux empires du Centre, son armée pourtant trouvât le moyen de s’y joindre en détail. Lorsque le Gœben et le Breslau franchirent les détroits pour se faire Turcs, ce fut une faute énorme, ne les ayant pas arrêtés, de ne pas les suivre. N’y récidivons pas. Ne laissons pas les Hadjopoulos, avec des milliers d’hommes, avec un matériel de guerre qui vaut plusieurs centaines de millions, à l’heure où les réserves de nos ennemis en hommes et en matériel sont usées ou s’usent, franchir le Rhodope pour se faire Allemands. La Grèce, jure-t-elle, a réclamé ces fugitifs. Nous ne pouvons pas agir sur d’autres, mais nous devons agir énergiquement sur elle, pour qu’elle obtienne satisfaction.

L’entrée en guerre de la Roumanie a eu, comme il était à prévoir, des répercussions non seulement sur les belligérans, mais sur les neutres. En Suède, elle a donné lieu à une reprise « d’activisme » d’autant plus forte que la propagande allemande s’était ingéniée à faire croire que la Roumanie et la Suède lieraient partie, et naturellement du côté germanique. Naturellement aussi, la désillusion a engendré de la mauvaise humeur. C’est le moment où les Puissances de l’Entente ont fait remettre au gouvernement royal une note sur sa manière de pratiquer la neutralité ; et sans doute cette note, à laquelle, en elle-même, il n’y a aucune critique à adresser, qui est parfaite de doctrine et de style, eût-elle été mieux venue ou plus tôt ou plus tard. Le gouvernement suédois, un peu piqué, et qui compte parmi ses membres au moins un juriste éminent, son président lui-même, M. de Hammarskjœld, a répliqué qu’il observait une neutralité irréprochable, et que, dès lors qu’il le faisait, il était le seul juge de la façon la plus convenable de le faire. Et sans doute encore le ton de la repartie était plutôt sec, mais la théorie, sous cet aspect aussi, se tenait. Il n’est pas contestable qu’il appartienne à la Suède, qui s’est déclarée neutre, de régler souverainement le mode par lequel elle prouve qu’elle l’est, pourvu toutefois que de ce mode il ne puisse résulter en fait qu’elle paraisse ne pas l’être. Sinon, il n’est pas contestable qu’il appartienne, par réciprocité, aux Puissances qui s’estiment lésées de représenter amicalement pourquoi ce mode ne les satisfait pas. En l’espèce, par suite des mesures que la Suède a prises, et sans que la correction de son attitude soit en cause, un courant de navigation a pu normalement s’établir entre les côtes suédoises de la Baltique, jusqu’au fond du golfe de Bothnie, et l’Allemagne, du Nord au Sud, tandis que, de l’Ouest à l’Est, des ports anglais