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dans les Balkans pour y retrouver d’autres personnages machiavéliques, un autre qui, quatre siècles auparavant, fut le modèle du Prince, très secret, mystérieux, double et fourbe, grand dissimulateur et grand simulateur, grand connaisseur de l’occasion. Espérons que, comme César Borgia, Ferdinand de Bulgarie aura tout prévu, « excepté qu’il serait à la mort lorsque son père mourrait ; » sans métaphore, que l’Allemagne en serait réduite à se défendre, et à défendre l’Autriche-Hongrie, lorsque la Roumanie attaquerait.

Derechef, le roi Constantin sacrifie à sa passion de l’interview. « La Grèce, aurait-il déclaré à un reporter de l’Associated Press, serait prête à s’unir aux Alliés dès qu’elle verrait dans cette décision des avantages certains et bien définis. » C’est, à coup sûr, et à bon droit, ne pas se poser, comme on dit, sur le terrain du sentiment : « les affaires sont les affaires, » et les Alliés n’en seront que plus à l’aise pour répondre. La Grèce voudrait voir, mais nous aussi. Elle voudrait « des avantages certains, et bien définis ; » nous aussi. Son intervention ne vaut plus pour nous ce qu’elle aurait valu il y a un an. Dans six mois, dans trois mois, elle vaudrait encore beaucoup moins qu’aujourd’hui, où déjà c’est une question de savoir ce qu’elle vaudrait, et si elle vaudrait quelque chose, dans l’état de son armée dispersée, désorganisée et, au témoignage de M. Venizelos, démoralisée, dans l’état du pays divisé sur lui-même, épuisé, déchiré. Peut-être, d’ailleurs, avons-nous dû, en face d’une Grèce hésitante, rétive jusqu’à être suspecte, prendre d’autres dispositions, et la liberté de nos résolutions n’est-elle plus entière. A présent que le problème de la guerre est résolu, ou du moins que la solution à intervenir, dans un délai qui reste inconnu, est connue, et que commencent à se poser les problèmes redoutables ou difficiles de la paix, peut-être notre avantage « le plus certain « est-il d’éviter cour demain les compétitions et les complications.

En tout cas, qu’on le sache bien, nous n’avons rien à offrir. Si on s’offre, nous examinerons, et la seule chose que nous demandions, la pleine sécurité de notre armée de Salonique, si on ne nous l’offre pas, nous l’exigerons. Ce n’est pas que nous craignions les Grecs, quand ils nous apportent des présens. Mais cet autre gentilhomme, Ferdinand de Bulgarie, avait déjà en poche son contrat avec l’Allemagne, qu’il nous caressait encore d’une langue dorée. Veillons, en attendant, à ce qu’une aventure comme celle du colonel Hadjopoulos à Cavalla ne puisse point se renouveler : ne dit-on pas qu’elle vient de se répéter au profit des Bulgares, qui auraient emmené chez eux, de Florina, toute