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et sensible. La preuve que l’onde de choc existe bien réellement, c’est qu’on peut la voir, non pas à l’œil nu, mais grâce à la plaque photographique qui est, comme disait Janssen, la vraie rétine du savant. On y arrive en photographiant des balles à grande vitesse initiale au sortir même du fusil. Il est évident qu’on ne saurait songer à faire ces photographies par la méthode ordinaire, en ouvrant, puis en fermant un obturateur. En admettant en effet qu’on veuille obtenir des images un peu nettes, il faut que pendant la pose le déplacement de la balle ne soit pas de plus d’un cinquième de millimètre. Si, pendant ce parcours, il fallait couvrir et découvrir un objectif ayant seulement 1 centimètre d’ouverture, il faudrait donc que l’obturateur fût animé d’une vitesse cent fois plus grande que celle de la balle elle-même, c’est-à-dire de l’ordre de 70 kilomètres à la seconde. Il est clair que c’est impossible. On a réussi néanmoins à photographier la balle en mouvement grâce à l’artifice suivant : en ouvrant la chambre photographique, on actionne une sonnerie qui donne au tireur le signal du départ ; la balle au sortir de l’arme, passe entre deux fils métalliques entre lesquels elle forme un circuit électrique qui déclenche une vive étincelle, et c’est celle-ci qui projette instantanément l’image de la balle sur la plaque photographique. La durée de l’étincelle n’étant que d’un ou deux millionièmes de seconde, on obtient ainsi des clichés très nets. Sur ces clichés, on voit non seulement la balle, mais l’onde de choc qu’elle entraîne (car la condensation de l’air qu’elle produit réfracte un peu la lumière sur son bord et se traduit sur la plaque par une double ligne noire très nette). L’onde ainsi photographiée est d’une forme tout à fait analogue à celle du bourrelet liquide que forme contre les piles d’un pont un fleuve rapide. Elle est d’ailleurs due à une cause analogue. Ce dispositif a permis d’étudier en détail toutes les modalités de l’onde de Mach.


Le fait que les obus à très faible vitesse initiale ne produisent qu’une seule détonation qui se propage dans l’air à la vitesse de 330 mètres environ, permet d’être averti de l’arrivée de ces projectiles un certain temps avant qu’elle n’ait heu. Le temps qui s’écoule entre l’instant où on entend le départ du coup et celui où il arrive, — supposé qu’il tombe près de l’observateur, — est d’autant plus grand que la pièce est plus éloignée et que la vitesse initiale est plus faible. Ainsi, pour prendre un exemple qui correspond à des conditions moyennes fréquemment réalisées, l’obus de 51 kilogrammes de l’ancien