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condensation, une sorte de sillage pointu et divergent formant un cône dont la pointe du projectile occupe le sommet, et qu’il entraîne avec lui dans l’espace avec sa vitesse propre. Quand une barque se trouve à quelque distance à droite ou à gauche d’un navire en marche dans une mer calme, elle subit un léger clapotis au moment où elle est rencontrée par le sillage angulaire qui part de la proue du navire. De même, lorsque l’onde condensée conique, que le projectile à grande vitesse entraîne avec lui, rencontre l’oreille d’un observateur, celle-ci est frappée par un son (car une onde sonore n’est qu’une condensation suivie d’une raréfaction de l’air) ; elle entend le claquement de l’obus, et ce n’est qu’un moment après qu’elle entend le son de la détonation de départ qu’on avait faussement d’abord confondu avec ce claquement. L’expérience montre d’ailleurs que l’obus ou la balle ne produisent le claquement que lorsqu’ils ont une vitesse, dans l’air, supérieure à celle du son. Pourquoi ? Une comparaison nous aidera à le comprendre : si une barque est presque immobile dans l’eau calme, les ondes circulaires qu’elle produit à la surface et qui sont analogues à celles que fait un caillou qu’on y jette, se propagent avec une certaine vitesse ; si la barque se déplace très lentement, elle continue à produire des ondes circulaires centrées sur elle, et si on augmente peu à peu sa vitesse, on constate qu’elle ne commence à produire un double sillage rectiligne de part et d’autre de sa proue que lorsqu’elle avance plus vite que ces ondes circulaires. Ce phénomène est le même avec les projectiles, et c’est pourquoi ils ne créent l’onde de Mach que lorsque leur vitesse est supérieure à celle du son.

Un grand nombre de pièces, tous les mortiers, tous les canons courts, une bonne partie des obusiers, tous les canons de tranchée lancent leurs projectiles avec une vitesse initiale faible et inférieure à 330 mètres par seconde. Pour toutes ces bouches à feu, le phénomène du claquement n’existe pas et on n’entend qu’une seule détonation au départ du coup. Avec les canons longs à grande vitesse initiale, on peut, au contraire, en entendre deux, et il en résulte diverses conséquences curieuses.


Avant de les examiner, je voudrais montrer brièvement que le phénomène de l’onde de Mach, qu’on appelle aussi onde de choc, à cause qu’elle est produite par le choc des projectiles contre l’air, n’est pas seulement une hypothèse ingénieuse, mais bien une réalité démontrée