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1886, on réalise dans les expériences des vitesses initiales d’environ 700 mètres par seconde, et avec les obus de certains canons longs de marine récens la vitesse initiale atteint 1 200 mètres par seconde. Ainsi, souvent dans les champs de tir d’infanterie, un observateur placé derrière la cible entend simultanément le bruit de la détonation et le choc de la balle contre la cible, lorsque le tireur n’est pas trop loin, et comme si le son se propageait avec la même vitesse que ses balles. Pour rendre compte des résultats ainsi obtenus, il faudrait admettre que le son a dans l’air des vitesses dépassant 4 et 500 mètres par seconde.

L’idée que la balle suffit à modifier assez l’air ambiant pour que le son de la détonation s’y propage avec une vitesse très supérieure à sa vitesse ordinaire heurterait à tel point toutes nos notions physiques qu’on ne s’y est pas arrêté un instant ; on a d’autant mieux fait qu’on n’a pas tardé à constater, en se plaçant dans des conditions favorables, que, dans ces expériences, le son de la détonation de départ n’a pas cessé d’exister et continue à se propager classiquement à l’allure de 330 mètres à la seconde, et qu’on l’entend, quoique affaibli, un certain temps après la détonation à grande vitesse dont nous venons de parler, et qu’on a appelée le claquement du projectile.

Le départ des balles ou des obus à grandes vitesses initiales est donc signalé par deux détonations successives, l’une très vive et très sèche (d’où provient son nom imagé de claquement), et qui, tout en étant un son, se propage plus vite que le son dans l’air calme, l’autre affaiblie qui se propage suivant les lois ordinaires de l’acoustique. D’où provient cette détonation parallèle, et souvent prépondérante par son intensité, au point que la détonation du départ en avait paru éclipsée ? Quelle est la nature de ce claquement ? Quels sont ses fallacieux effets, dans le service d’exploration et de repérage, sur le champ de bataille ? c’est ce que nous allons voir maintenant.

C’est Mach qui a élucidé exactement la nature du phénomène, aussi appelle-t-on souvent ondes de Mach les ondes sonores très particulières qui produisent le claquement du projectile. Une comparaison va faire comprendre sa nature : lorsqu’un vaisseau s’avance dans une mer calme, sa proue trace de part et d’autre de sa route, un long sillage double qu’on voit de très loin, qui est formé par deux lignes droites divergeant de part et d’autre du navire et qui se rejoignent à sa proue. Eh bien ! l’onde de Mach est une onde analogue formée dans l’air par le choc très violent du projectile. En heurtant énergiquement les couches d’air calme qu’il rencontre, celui-ci y détermine une