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consiste précisément à se placer latéralement par rapport à un bruit.

Cette question est d’ailleurs d’une haute importance, notamment pour la navigation où l’on doit localiser les signaux acoustiques en temps de brume. Elle a fait en Angleterre l’objet de recherches systématiques qui ont conduit l’Amirauté britannique à la conclusion suivante : pour définir la direction d’où provient un son, la meilleure méthode est de se placer de façon à obtenir la perception latérale la plus nette possible, on tourne alors d’un angle droit et on a la direction cherchée en face de soi... ou derrière.

Mais cette méthode n’est applicable qu’aux sons continus et relativement durables comme ceux d’une sirène ou d’un sifflet. Avec un coup de canon qui est instantané, il ne saurait être question d’opérer de même, et en fait l’expérience prouve que les résultats obtenus à l’oreille sur l’orientation d’un coup de canon isolé sont généralement très incertains et erronés. La preuve en est dans les discordances énormes de plusieurs observateurs. Il semble qu’il soit impossible de définir avec certitude à moins de 30 degrés près à l’oreille la direction d’un coup de canon ; si élevé que soit ce chiffre, il correspond à l’avis des techniciens les plus éminens et notamment du général Nivelle, commandant l’armée de Verdun, qui, lorsque nous avions l’honneur de servir sous ses ordres, estimait à cette valeur l’incertitude possible dans de pareilles déterminations. Cette incertitude est donc telle que l’erreur commise sur un canon placé à une distance donnée pourrait conduire à le placer trop à droite ou à gauche de la vraie position, d’une quantité égale à sa distance de l’observateur. Rien ne montre mieux d’ailleurs l’incertitude énorme régnant dans ce domaine que les erreurs considérables qu’on commet lorsqu’on cherche du regard dans le ciel un avion dont on a entendu le bourdonnement. Quelquefois on commence par lui tourner exactement le dos.


Nous avons considéré jusqu’ici dans l’appréciation de l’origine d’un son uniquement les erreurs provenant de l’imperfection de nos sens. Nous allons examiner maintenant un autre phénomène fort curieux et tout différent, et qui fait que souvent, même si nos sens et nos instrumens étaient assez parfaits pour définir exactement la direction d’où vient le son d’un coup de canon, cela ne nous donnerait nullement la direction où est le canon lui-même. Il s’agit d’un phénomène fort subtil, mais d’une importance telle dans la guerre, où