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grande quantité par l’explosion de la poudre. Ces gaz sont projetés au dehors par la bouche du canon, avec une énergie très considérable puisque c’est elle qui suffit à envoyer les obus à des kilomètres de distance. Il s’ensuit qu’il se produit à la bouche du canon, même tirant à blanc, une sorte de coup de vent très fort. Puisque ce vent souffle dans la direction du coup et que, comme je l’ai déjà expliqué, la vitesse du son est accentuée par un vent favorable et diminuée par un vent contraire, il y a là une cause perturbatrice, et il est certain que la vitesse du son mesurée dans les expériences du Bureau des Longitudes à Villejuif et Montlhéry a dû être trouvée trop forte, et légèrement plus élevée qu’elle n’eût été dans un air parfaitement calme. C’est effectivement ce qui a été constaté depuis. A vrai dire d’ailleurs, le vent produit à la bouche du canon par les gaz de la poudre ne fait sentir son action que sur quelques mètres, et son influence sur la propagation du son est négligeable dès qu’on l’entend d’une certaine distance. Il n’y en a pas moins là une légère complication qui ne pouvait en toute rigueur être laissée de côté.

Lorsqu’on entend un coup de canon lointain sans qu’un indice optique quelconque, tel que la lueur ou la fumée, vous indique d’où il vient, il est très difficile d’avoir une idée exacte, même approximative, de sa direction. Tandis que le rayon lumineux grâce à sa faible longueur d’onde, d’où résulte sa faible diffraction autour des obstacles, est une chose nette, rectiligne et limitée, et qui nous indique, comme une flèche dardée sur la rétine, la direction du point d’émission, au contraire les ondes sonores, à cause de leur diffraction intense, ne donnent, comme nous l’avons vu, qu’une sensation très vague et très insuffisante de la direction. A priori pourtant, il semblerait qu’il dût en être autrement la disposition des pavillons de nos oreilles est telle que l’une perçoit certes avec plus d’intensité que l’autre en général un son d’une direction quelconque, d’autant que l’interposition de la tête, qui sert d’écran, doit augmenter encore la différence, s’il s’agit par exemple d’un tir venant de droite ou de gauche. En outre, il y a environ une quinzaine de centimètres d’une oreille à l’autre ; il faut au son un demi-millième de seconde pour parcourir cette distance et lorsqu’il s’agit d’un son venant de droite ou de gauche, il doit y avoir une petite différence entre les instans des deux perceptions auriculaires qui doit contribuer à déterminer une orientation. De tout cela il résulte que c’est la perception latérale qui doit assurer le mieux cette détermination. C’est ce que nous savons tous inconsciemment lorsque nous « prêtons l’oreille, » ce qui