Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/691

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont fébriles, malgré la volonté de sagesse. Leur trouble s’apaise, le premier dimanche de la guerre, à l’église. Ego sum, nolite timere ; ces quatre mots, gravés dans l’or du tabernacle, font l’apaisement : « Je suis là, ne craignez rien... J’ai près de moi Jeanne d’Arc et Turenne...Tout, dans les deux, parle en faveur de vous. Confiance ! Vous qui faites la guerre que vous ne vouliez pas, allez en paix dans la bataille. J’aiderai ! » Les jours passent ; puis les Français sont en Alsace : « J’ai épinglé au mur, en face de mon lit, le journal qui porte en lettres de triomphe ces mots prodigieux. Les Français en Alsace ! Et je me nourris, sans me rassasier, de l’inscription flamboyante. Elle s’annexe à mon cœur. Elle coule en moi comme un vin qui désaltère. Elle arrose toute la contrée de mon âme... « Et, la sagesse : « Ne soyons pas éperdus de bonheur... » Les jours passent : notre offensive générale n’a pu percer les Lignes allemandes ; voire, la poussée allemande nous oblige à nous replier ; que dire et que songer ? La sagesse est de croire : « Je crois au courage de nos soldats, à la science et au dévouement de nos chefs. Je crois à la force du droit, à la croisade des civilisés, à la France éternelle, impérissable et nécessaire. Je crois au prix de la douleur et au mérite des espoirs. Je crois à la confiance, au recueillement, au bon travail quotidien, à l’ordre, à la charité militante. Je crois au sang de la blessure et à l’eau du bénitier, au feu de l’artillerie et à la flamme du cierge, au grain du chapelet... Je crois à notre grand passé, à notre grand présent, à notre plus grand avenir. Je crois aux vivans de la patrie et je crois à ses morts. Je crois aux mains armées de fer et je crois aux mains jointes. Je crois en nous. Je crois en Dieu. Je crois, je crois. » Ce credo, si simple et immense, litanie de la confiance, acte de foi dans le moment où l’espoir même semblait difficile, sa poignante beauté lui vient d’être sorti d’un cœur qui endurait toute la souffrance de la patrie et d’avoir été l’unanime credo de la France, fidèle ou incrédule. Confiance et foi sont des sentimens analogues et que la croyance ou le souvenir ou l’habitude séculaire ont vite fait de réunir. « Mon cantique, ma litanie, mon credo, mon alleluia... » Cet alleluia est daté du 25 août 1914. : le sublime paradoxe de l’alleluia eut sa récompense, plus tard. Les Grandes heures sont religieuses, comme le titre qu’il a plu à M. Lavedan de leur donner. On y entend une cloche, qui tinte et qui « prend le cœur, » et qui appelle : « Pour quoi ? Pour la prière. Quelle prière ? Pour la prière des soldats... » Que de piété !... Mais oui, et justement cette piété où se tiennent ou bien retournent, comme à un refuge, des millions d’âmes françaises, qui n’ont pas