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effort prolongé. Le Carso tient encore, mais les Italiens pourront le contourner par la vallée du Vipacco, après qu’ils auront pris les hauteurs qui dominent Gorizia à l’Est : Monte Sanlo, San Gabriele, San Daniele, le plateau de Tarnova, etc.

Nous ne pouvons donner un récit détaillé de la prise de Gorizia. Une relation officielle vient d’être publiée par l’Etat-major italien. Il en ressort que cette bataille du Carso est une des plus terribles de la guerre ; la prise de Gorizia n’en est qu’un des plus glorieux épisodes. L’attaque fut admirablement préparée par une artillerie lourde sortant, paraît-il, en partie des usines françaises. La cause principale de la lenteur des progrès et même des échecs des Italiens avait été jusqu’ici l’insuffisance de leur artillerie lourde. Le 6 août, à sept heures du matin, l’action s’engagea par un bombardement intense de Plava à Monfalcone ; l’artillerie concentra ensuite son feu sur le Monte Sabotino et le Monte San Michèle. Ces deux hauteurs furent enlevées à la suite d’une terrible attaque, qui dura deux jours. « Les régimens, dit un correspondant de guerre, montèrent à l’assaut avec une ardeur indescriptible. Depuis de longs mois ils avaient souffert, dans les tranchées du Carso, toutes les souffrances possibles ; ils avaient dû accepter cette lutte sournoise de terrassiers. Aujourd’hui ils prenaient leur revanche. » « Ce fut un superbe spectacle, dit la Relation officielle, de voir nos intrépides fantassins, dans un élan incomparable, monter à l’assaut de positions réputées imprenables. » Les Autrichiens résistèrent avec acharnement : ils avaient été surpris par l’impétuosité et la force de l’attaque, et le commandement fit des efforts inouïs auxquels l’Etat-major italien a rendu hommage.

Le 9 août, tout le plateau de San Martino à Doberdo, était conquis. Le 10, franchissant le Vallons profond qui coupe le Carso en deux parties, les Italiens s’emparaient d’Oppachiesella et le 12 du Nad Logem. Les Italiens se trouvèrent alors en face de la tête de pont de Gorizia devant laquelle l’ennemi avait accumulé les défenses et les mitrailleuses. Rien ne put arrêter les bersaglieri. Ils apercevaient les maisons de la ville cachées dans la verdure ; dans un élan fou, ils passèrent le fleuve à gué, et le 9 août, au lever du soleil, le drapeau italien flottait sur Gorizia : si les faubourgs sont à peu près détruits, la ville a peu souffert, et la vie a repris en dépit du bombardement qui continue.