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fut chargé de protéger au Monte-Aralta la retraite d’un division. Le feu de l’artillerie autrichienne rendait la position intenable ; le commandant du bataillon rendit compte à son général. Le général répondit : « Je ne puis que vous répéter : la résistance doit être faite à outrance. Je suis certain que votre patriotisme saura donner à cette parole le sens qu’elle comporte. » Le bataillon tint magnifiquement ; sur 740 hommes, 170 revinrent ; tous les autres étaient morts : leur sacrifice avait permis la retraite de la division. »

Tandis que se poursuivait la contre-offensive italienne sur la frontière du Trentin, la prise de Gorizia a montré soudain combien peu l’offensive autrichienne avait influencé le plan du généralissime italien. Dès la fin de juillet, en effet, l’attaque reprenait sur l’Isonzo et contre le Carso. Il fallait évidemment répondre par une victoire à l’impression qui s’était manifestée en Italie et dans le monde sur les échecs italiens du Trentin. Et l’on ne pouvait mieux choisir que Gorizia, la petite et charmante ville dont on attendait depuis si longtemps l’occupation. L’affaire du Trentin n’avait fait que retarder l’événement. La préparation était faite quand le général Cadorna revint à Gorizia, dès que ses préoccupations cessèrent du côté du Trentin. Il y a lieu, d’ailleurs, de croire que les opérations sur l’Isonzo rentraient dans le plan général des Alliés. Elles avaient du moins l’avantage de trouver un front certainement affaibli[1] puisque les Autrichiens étaient obligés de faire face à la fois au Trentin et en Bukovine.

De plus, il devient intéressant, au moment où s’ouvrent des opérations nouvelles dans les Balkans, d’arriver enfin à Trieste et même à Laibach. Le front italien fait partie désormais du front d’Orient. Que les Italiens agissent en Carniole, à Vallona ou à Salonique, ils concourent à la manœuvre stratégique qui doit à la longue libérer les Balkans et couper les Empires centraux de Constantinople, en attendant la marche sur Vienne. La prise de Gorizia n’est donc qu’un acte militaire préparatoire. La bataille doit se poursuivre, et elle demandera sans doute un

  1. Les divisions autrichiennes rappelées du Trentin étaient déjà en route pour la Galicie ; il a fallu en arrêter une partie pour aller renforcer le front de l’Isonzo, Ainsi se manifestent les effets de la pression exercée par les Alliés sur tous les fronts. Et l’on voit combien les opérations italiennes et russes s’aident réciproquement.