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des Autrichiens au Trentin. Elle se répercuta dans le Parlement ; M. Salandra dut se retirer. Mais la crise se dénoua autrement que l’avaient espéré les agens de l’Allemagne. Un ministère de Défense Nationale fut formé, et le résultat le plus clair fut une recrudescence des sentimens, interventionnistes qui allait amener l’Italie à déclarer la guerre à l’Allemagne. D’ailleurs, l’épreuve avait été courte, la résistance avait été héroïque. Le généralissime italien avait conservé sa maîtrise [1] ; il disposait de réserves considérables qu’il sut amener à temps sans rien enlever aux autres secteurs ; il est probable qu’il aurait fait subir la revanche de Custozza aux troupes autrichiennes, si elles étaient descendues en plaine, épuisées et décimées par une longue série de combats. Depuis lors, les Italiens ont refoulé les Autrichiens sur les positions du début ; ils sont revenus près de Rovereto. Et on peut dire aujourd’hui qu’il ne reste plus sur le plateau des Sette Communi que les traces de la lutte terrible qui s’y est déroulée pendant deux mois [2]. Les Autrichiens n’abandonnent que lentement les cimes qu’ils avaient acquises si chèrement. L’état-major autrichien avait amené dans le Trentin ses divisions d’élite, en particulier les divisions hongroises. Les régimens tyroliens furent dignes de leur vieille réputation. La bataille du Trentin comptera dans les annales des deux armées, sans dépasser pourtant les batailles de l’Isonzo et du Carso.

Les journaux italiens ont donné de nombreux récits épisodiques sur l’héroïsme de leurs troupes. Nous n’en retiendrons qu’un, qui nous rappelle l’héroïsme d’un bataillon français à Torfou pendant les guerres de Vendée : « Un bataillon italien

  1. Le général Cadorna nous permettra de confondre dans le même hommage son chef d’état-major général, le général Porro.
  2. Les derniers bulletins nous montrent que les Italiens attaquent vigoureusement partout. Ils viennent de faire de très sensibles progrès dans les Dolomites en prenant le mont Cauriol, qui domine la vallée de l’Avisio et tout le carrefour des routes permettant de passer du Trentin septentrional dans la région du Cadore. L’artillerie italienne bombarde la voie ferrée de Trente à Bolzano (Bolzen). L’avance des Italiens menace la route de l’Adige. Elle préoccupe assez sérieusement l’État-major autrichien pour qu’il ait ramené des troupes dans cette région, si sensible à cause du voisinage du Tyrol et de la voie ferrée du Brennei et du Pusterthal. Le généralissime Cadorna poursuit un plan de pression générale, ayant pour but d’atteindre avant l’hiver les principaux débouchés sur le sillon longitudinal Trente-Bolzano-Toblach-Tarvis. Il n’en continue pas moins l’enlèvement pied à pied du Carso, et il y a lieu d’espérer que les opérations d’automne ouvriront la route de Trieste.