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cependant quelque fondement dans le fait que le gouvernement italien, en ne déclarant pas la guerre à l’Allemagne, semblait avoir tenu compte de certaines influences germanophiles et réservé l’avenir. La mission du prince de Bülow se continuait à Lugano, et il n’était pas douteux que des intrigues se poursuivaient entre lui et ses amis italiens.

Au point de vue militaire, l’opération était bien conçue. Dans l’impossibilité de réaliser le plan complet [1] du général Conrad von Hetzendorff qui visait une offensive simultanée et enveloppante sur la Vénétie, l’état-major autrichien prenait naturellement le Trentin comme base d’une offensive limitée, dont l’objectif immédiat pouvait être de déboucher sur Vérone, Vicence et Padoue, et de couper ainsi l’armée de Vénétie de ses communications avec le pays. Sans même préjuger d’une action vers le Pô, qui aurait certainement demandé un effort plus puissant que celui que pouvait faire l’Autriche, le seul fait de détruire la voie ferrée de Vérone à Venise et de tenir toutes les hauteurs qui dominent la plaine aurait constitué pour les Autrichiens un succès très important et forcé les Italiens à remanier toute leur stratégie. Mais il est certain aussi qu’une telle offensive devait être menée assez rapidement pour que le commandement italien n’eût pas le temps de la riposte, et qu’elle fût suffisamment alimentée pour livrer en plaine, dans la région de Vicence, une bataille décisive. Les événemens ont montré que, malgré la brusquerie et la violence de l’attaque » le généralissime italien était en mesure d’y faire face et que les Autrichiens n’avaient ni assez de monde, ni assez de souffle pour aller au bout d’un pareil effort.

L’attaque autrichienne s’est produite entre l’Adige (val Lagarina) et la Brenta (val Sugana), en partant du front puissamment fortifié devant lequel les Italiens s’étaient arrêtés. Elle disposait de plusieurs routes convergeant sur le plateau célèbre des Sette Communi. Entouré à l’Est par la Brenta, à l’Ouest par le val d’Astico, ce plateau forme une forteresse naturelle qui paraissait inexpugnable. Il est traversé par le val profond d’Assa qui ouvre la seule route conduisant à Asiago, le centre le plus important. Asiago est à 1 000 mètres d’altitude ;

  1. Le général Conrad, chef d’état-major de l’armée, déclarait en 1908 et 1911 qu’il convenait d’anéantir l’Italie, dont la politique était, disait-il, déjà infidèle à la Triple-Alliance et prête à la guerre contre l’Autriche.