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Dès le printemps de 1916, les Italiens se préparaient a reprendre leur offensive sur Gorizia, lorsque se produisit l’offensive autrichienne du Trentin. Déjà, à la fin de mars, le commandement italien se rendait compte que les Autrichiens avaient reçu des renforts considérables et semblaient vouloir se départir de leur attitude défensive [1]. Une vigoureuse attaque autrichienne s’était effectuée en Garnie autour du Monte-Croce (Plöcken-Pass). Le 20 mars, une opération était également tentée au Grafenberg, près de Gorizia. Ces combats se poursuivirent pendant le courant d’avril. Une artillerie autrichienne très puissante se révéla à l’entrée du val Sugana. Partout, le canon tonnait et les attaques se multipliaient de part et d’autre. A la fin d’avril, l’état-major italien fut informé que de nombreuses divisions autrichiennes se concentraient dans le Trentin. Dès le commencement de mai, la situation se précisait. Un violent bombardement avec des pièces de gros calibre battait tout le front italien depuis le lac de Garde jusqu’à la Brenta et les obus tombaient jusque sur la région des Sette Communi ; l’offensive se produisait le 15 mai avec une ampleur dépassant les prévisions.

Cette offensive autrichienne dérive du même ordre d’idées que l’attaque de Verdun. Elle est à la fois politique et militaire, elle vise à obtenir non seulement la dislocation du front italien, mais la rupture de l’union sacrée faite en Italie, depuis l’intervention, sur le principe de l’irrédentisme. Les conditions paraissent favorables. Les Autrichiens disposent de fortes réserves. Après l’attaque infructueuse de l’armée d’Ivanoff sur la Strypa, en décembre 1915, le front russe paraît avoir repris son immobilité. Les Impériaux sont maîtres des Balkans. Néanmoins, la grande attaque de Verdun n’a pas donné les résultats espérés : elle va être reprise et poursuivie avec acharnement. Un grand succès des Autrichiens sur les Italiens peut avoir pour conséquence, en coïncidant avec la prise de Verdun, de fortifier chez les neutres la conviction que l’Allemagne est invincible, et d’amener en même temps en Italie une réaction du parti neutraliste et une paix séparée [2]. Combinaisons dignes d’ailleurs de la mentalité germanique ! mais qui trouvaient

  1. On sait que 18 divisions ont pris part à l’offensive du Trentin avec une artillerie formidable. 8 de ces divisions venaient de Galicie ou des Balkans.
  2. On a qualifié, en Autriche, l’offensive du Trentin d’expédition de châtiment.