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Tolmino. Des combats sanglans ont lieu au Monte Nero, au Nord de Tolmino, et autour de Plava. A la fin de juin, les Italiens tiennent Plava et ont pu déboucher devant Gorizia. Mais les Autrichiens ont fait du Carso et des hauteurs qui dominent Gorizia des positions extrêmement fortes.

D’ailleurs, après les premiers succès dus à la surprise des adversaires et à l’impétuosité des alpins italiens, le commandement trouvait devant lui la puissante organisation défensive préparée par les Autrichiens. Les Autrichiens se ressaisissent et se livrent même à des contre-attaques qui prouvent l’entrée en ligne de forces importantes. Les forts de Rovereto et de Trente arrêtent l’avance italienne. C’est la guerre de siège qui commence. La bataille est générale, mais elle prend de plus en plus le caractère de la guerre de montagne. Il semble pourtant que le haut commandement italien ait choisi comme secteur principal le front de l’Isonzo. C’est sur Gorizia que se concentre l’attaque, mais elle se développe forcément sur toute la ligne de l’Isonzo, tout en prenant une âpreté particulière au Carso. Le Carso est en effet l’obstacle qui barre la route de Trieste, et l’on sent bien dès ce moment que Trieste est l’objectif des Italiens. La prise de Trieste n’est pas seulement une satisfaction donnée à l’irrédentisme, mais elle porterait un coup fatal à l’Autriche. Trieste est le grand port autrichien, le poumon par lequel respire l’Autriche. En même temps, l’Istrie, avec le grand port militaire de Pola, serait coupée de l’Autriche, à qui il ne resterait que le port hongrois de Fiume. Et il suffirait d’une avance des Italiens sur Laibach pour que toute l’Adriatique fût fermée aux Austro-Hongrois.

On comprend donc la portée qu’a prise cette bataille de l’Isonzo, car si elle vise d’abord Trieste, puis Laibach, elle ne peut négliger les routes de Tarvis et de Predil, l’objectif stratégique étant bien la possession du sillon de la Save et la maîtrise des routes de Vienne par Villach, Klagenfurt et Laibach. On pouvait même supposer en juin 1915 que les opérations italiennes seraient combinées dans un avenir prochain avec celles de l’armée serbe, restée intacte après ses victoires de décembre 1914. La retraite russe n’avait pas encore à cette époque pris les proportions désastreuses qui marquèrent la fin de l’été. Les Alliés continuaient leurs opérations militaires et diplomatiques aux Dardanelles et dans les Balkans. Il était