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du front occidental et aux rudes efforts qu’exige l’attaque du front oriental. Le temps est lointain des manœuvres classiques de la guerre des Alpes, des fameuses navettes de Berwick, de Lecourbe, de Masséna, de Kuhn, qui permettaient, avec de faibles effectifs, de défendre de vastes secteurs. La voie ferrée a exercé une influence capitale sur les opérations de la montagne comme sur celles de la plaine. Et on est arrivé même à pousser le rail au plus haut des vallées et à hisser pour ainsi dire les grosses pièces sur des positions jadis inabordables [1]. De plus, la portée des canons, en haussant les trajectoires au-dessus des crêtes, répand les obus explosifs sous des angles et à des distances imprévus. Et ainsi la guerre de montagne prend de plus en plus les firmes actuelles de la guerre de matériel et d’usure ; on ne peut même plus dire que les opérations sont arrêtées comme autrefois par l’hiver. Si les neiges obstruent alors les cols et si les plus hardis alpins ne peuvent tenter que des raids aventureux et périlleux, les obus partant des vallées vont chercher dans les vallées opposées les campemens, les réserves et les voies ferrées, et la bataille continue plus ou moins vive, plus ou moins meurtrière, suivant les secteurs.


Les opérations italiennes ont donc commencé dès le 24 mai sur tout le pourtour de la frontière : nous voyons les alpins italiens, qui connaissent admirablement leurs secteurs, s’emparer de toutes les passes, depuis le Tonale jusqu’au front de l’Isonzo. Les armées sont concentrées très probablement entre Vérone et Udine. La voie ferrée qui rejoint Milan à Venise et à Udine marque le front d’attaque, en même temps que le front défensif, en cas d’offensive autrichienne. Le premier soin du généralissime italien est donc de couvrir cette première ligne, si importante, de communications, en jetant tout de suite ses avant-gardes et ses avant-postes le plus loin possible en avant de la frontière. C’est ainsi que les premiers communiqués annoncent des engagemens simultanés au Trentin, en Cadore, en Carnie et sur l’Isonzo.

Ces quatre dénominations, qui reparaîtront régulièrement aux bulletins de guerre, marquent en effet les quatre secteurs,

  1. Les soldats italiens ont été de merveilleux terrassiers ; ils ont ouvert autant de routes que de tranchées.