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l’honneur du président. Un âne en chair et en os, placé, par quelque malencontreuse facétie du destin, au fond de la salle, fait entendre un long braiement plaintif. Glynn, mécontent, fronce le sourcil. Il s’en faut de peu qu’une hilarité générale n’éclate. Mais un délégué du Texas s’empresse de ranimer l’enthousiasme. Escaladant l’estrade d’un bond, il y agite vigoureusement une bannière à l’effigie de Woodrow Wilson. Un fil spécial, qui, du fauteuil du président de la convention, communique avec l’orchestre, donne le signal d’un débordement sonore de patriotisme, entretenant, par ce procédé efficace, pendant vingt minutes, la démonstration qui, dans la salle, accueille le nom de l’hôte de la Maison-Blanche. Le ton est donné. Jusqu’à la fin, la convention, dans une atmosphère de sereine harmonie, au milieu des ovations passagères, des manifestations d’enthousiasme coutumières, chantera les louanges de l’homme auquel, comme au dernier mât de navire qui surnage dans la tempête, s’accroche le parti démocrate.

A la séance du lendemain, Ollie James, orateur puissant, déclarant, de sa voix de stentor, en quelques paroles lapidaires, la guerre au parti républicain, laisse tomber ces mots qui provoquent le délire de l’assemblée : » Il y a quatre ans, les sarcasmes de ses adversaires avaient lancé à la tête de Woodrow Wilson l’épithète de maître d’école. Sa classe alors se limitait aux murs du collège de Princeton. Aujourd’hui, elle s’est étendue jusqu’aux confins du monde ; il fait la leçon aux potentats, aux empereurs, au Kaiser. » Après avoir, au Club démocratique de Saint-Louis, affirmé sa foi inébranlable dans le pacifisme à outrance, Bryan lui-même, contraint par la clameur populaire de quitter dans une ovation générale le banc de la presse pour l’estrade, annonce, d’une voix vibrante, à la séance du soir, sa réconciliation avec le chef de l’État. « Chaque convention démocrate, dit-il, est comme une fête d’amour... J’ai eu, avec le président, des différends sur des questions de forme ; mais je me joins au peuple américain pour applaudir celui qui veut épargner la guerre au pays. »

Puis c’est le juge Wescott qui, dans un enthousiasme indescriptible, laisse tomber, sur l’assemblée, le nom de Woodrow Wilson, déchaînant une manifestation de plus d’une demi-heure. Et enfin, bien avant dans la nuit, la convention, écrasée sous ces flots d’éloquence, réélit, à l’unanimité moins