Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/662

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

national, s’il possède une âme nationale, s’il peut s’imposer comme une force puissante et indivisible ; si les Etats-Unis, enfin, pour lesquels Washington a lutté et pour lesquels Lincoln est mort, conserveront leur place au rang des nations. »

Puis, défendant la politique de neutralité du président Wilson : « La neutralité, » dit-il, « est la politique qui a conservé en paix l’Amérique, pendant que l’Europe enfonçait les clous de la guerre dans les mains et les pieds de l’humanité sacrifiée... Pour avoir mis en vigueur cette politique de neutralité, George Washington a été hué par une foule de dix mille fanatiques qui menaçaient de l’arracher au siège présidentiel et d’entreprendre une nouvelle révolution. Pour avoir défendu cette même politique, Alexandre Hamilton a été presque lapidé ; Jay brûlé en effigie, Jefferson appelé un poltron sans entrailles, Lincoln un couard. Cependant, aujourd’hui, tout le monde s’adresse à ces hommes pour y trouver l’exemple du véritable Américanisme. » Et, passant en revue les actes des divers présidens dans les momens de crise nationale : « Qu’a-t-il fait ? » dit-il, levant la main dans un grand geste solennel. « Il nous a préservés de la guerre. » L’assemblée s’y laisse prendre. A chaque question de l’orateur : « Qu’a-t-il fait ? » elle entonne en chœur, sans attendre la réponse : « Il nous a préservés de la guerre. » Et le discours de Glynn n’est plus qu’une longue défense, une défense d’une heure et demie, du pacifisme wilsonien. « Il semble, dit un mécontent, que l’Amérique, depuis Washington, n’ait fait que tendre la joue aux soufflets. » Au banc de la presse, Bryan se pâme. « Merveilleux, merveilleux, » murmure-t-il. « Et n’oubliez pas, dit, ironique, un délégué, tout au premier rang des banquettes, que cette politique a aussi l’approbation de William Jennings Bryan. « On rit, mais l’orateur poursuit impassible. Les éloges qu’il adresse au président en fonctions font pâlir le souvenir de Washington et de Lincoln. « La politique du président des Etats-Unis, dit-il, aura l’approbation des mères de famille de ce pays. » Il y a, dans l’assemblée, plus d’une mère de famille. Pas une n’acclame.

Alors, pendant que l’orateur, dans une péroraison brillante, s’apprête à prononcer, pour la dernière fois, le nom de Woodrow Wilson, un incident fâcheux vient arrêter la parole sur ses lèvres, et gâter la petite manifestation qui s’apprête en