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règne une chaleur suffocante. Silencieusement, délégués et spectateurs gagnent leurs places. On distribue, dans l’assistance, de la part du Texas, de petites balles de coton à la devise de cet Etat. Bryan, salué par une discrète ovation, gagne les rangs de la presse. Le révérend James W. Lee dit la prière d’usage. Dévotement, Bryan se renverse sur son siège, les yeux fermés, les lèvres convulsivement agitées. Et l’ancien gouverneur Glynn monte sur l’estrade.

« Messieurs, commence-t-il, le parti démocrate, assemblé dans cette convention, vient y remplir un devoir, non envers lui-même, mais envers la nation. Fier du rôle qu’il a joué dans l’histoire du pays, le parti de Jefferson et de Jackson se réunit dans cette salle, pour s’y consacrer, une fois de plus, à l’œuvre de préservation d’une république souveraine, libre et unie... Nous sommes entrés dans cette salle en démocrates ; nous y délibérerons et nous y agirons en Américains. Nous, qui nous réunissons ici, défendons l’américanisme des pères qui ont bâti cette nation sur des bases si fortes et si puissantes qu’aucune tempête, aucun cataclysme n’a pu les ébranler,

« Nous défendons l’Américanisme qui, sous le charme magique et l’influence mystique des Stars and Stripes, convertit des hommes de tous pays en des hommes d’un seul, le nôtre, des hommes de tous drapeaux en des hommes d’un seul, le nôtre. Lorsque, dans un siècle, les générations futures contempleront cette grande assemblée d’aujourd’hui, lorsque nous, qui gardons aujourd’hui l’arche sainte du pacte américain, ne serons plus qu’un nom, plus qu’un souvenir, les principes que nous affirmons dans cette convention, les fins pour lesquelles nous luttons dans cette campagne, survivront dans la mémoire des Américains qui ne sont pas nés. » Malgré soi, devant ce flot d’éloquence imagée, on évoque la parole fameuse de Bonaparte devant les Pyramides. Et la fabuleuse rhétorique se poursuit. Décrivant la mission de l’Amérique, « il y a cent quarante ans, dit l’orateur, la virilité de l’Amérique était appelée à décider si ce pays formerait une nation. Il y a un siècle, les Américains étaient contraints de décider s’il continuerait à l’être. Aujourd’hui, la République se trouve en face d’une crise non moins importante que celles de 1776 et de 1860. Les Américains, aujourd’hui, doivent déterminer, une fois de plus, si leur pays peut préserver son idéal