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dernier, quand le président Wilson déclara nettement à son Congrès hésitant, que les navires marchands, même armés, ne devraient pas être torpillés, les vues du président n’étaient certainement pas conformes à celles des pacifistes à tout prix de sa majorité. Mais aucun d’eux ne prétend aujourd’hui demander à son candidat de rectifier sa politique conformément aux tendances d’esprit du parti. Les questions de programme deviennent accessoires. Comme à Chicago la convention progressiste, à Saint-Louis la convention démocrate s’apprête à manifester sa foi dans un homme.

Les républicains, à Chicago, venaient rectifier une situation déplorablement embrouillée. Les démocrates, à Saint-Louis, n’ont qu’à ratifier un état de choses existant. Délégués et chefs de parti s’abordent sourians. Ils tiennent leur candidat, sans trop se douter que ce candidat les tient plus encore qu’ils ne le tiennent. Et déjà l’on sent que la convention ne sera qu’une longue et monotone fête de parti. La vice-présidence seule pourrait se discuter. Et quelques favorite sons la brigueraient volontiers. Le gouverneur-major du Missouri, le plus célèbre danseur de tango de la région, a fait le sacrifice de son élégance : il affiche en bon démocrate, à l’exemple d’un Bryan, d’un Champ Clarck, un immense chapeau de feutre mou aux formes ecclésiastiques. Peines perdues : déjà le président Wilson a désigné son compagnon sur la liste électorale. Nul doute que Marschall, le vice-président actuel, ne soit nommé sans murmure. Et le dernier espoir d’incident s’évanouit. Il ne reste plus, aux amateurs d’émotions, qu’à mettre leur confiance dans les suffragettes, toujours généreuses en surprises.

Le premier jour de la convention, à dix heures, s’alignent, dans Golden Lane, sur le chemin du Cotisée de Saint-Louis, trois mille femmes en robes blanches, ceintes de la traditionnelle écharpe jaune. Leurs ombrelles ouvertes dessinent de gracieux festons. Sur un perron, allégories vivantes, des groupes en robe grise représentent les États à suffrage partiel, en robe noire, mains chargées de fers, les États anti-suffragistes. L’appel muet de ces amazones, raidies dans une immobilité de statue, dure jusqu’à midi. Faisant bonne contenance, les délégués au visage glabre gagnent le Cotisée, en essayant de sourire.

Dans la grande salle aux galeries symétriquement décorées des couleurs nationales, aux longues rangées de sièges uniformes,