Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/658

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconnaissant, disait l’idole, de l’honneur que vous me conférez en me nommant président. Je ne puis accepter en ce moment. Je ne connais pas l’attitude du candidat républicain à l’égard des questions vitales du jour. Si vous désirez une décision immédiate, je décline la présentation. » Ce message mélancolique, presque désespéré, d’un pathétique poignant dans sa rude simplicité, jette sur l’assemblée un froid glacial. Après quatre journées de frénésie patriotique et d’enthousiasme de parti rarement égalés dans les conventions nationales, c’est maintenant une réaction lamentable. Roosevelt disparu, car ce message n’est que le prélude de sa disparition, c’est la déroute d’un parti qui ne s’était pas formé, comme il l’eût dû, pour faire avancer des idées, mais simplement, quatre ans plus tôt, pour suivre un homme.


II. — A SAINT-LOUIS


13-16 juin.

Deux jours à peine se sont écoulés depuis que, du lac Michigan, l’éléphant et le Bull Moose ont regagné la solitude de leurs vastes forêts, et déjà, sur les rives luxuriantes du « père des eaux, » se font entendre, faibles encore, les premiers braiemens de l’âne démocrate. Saint-Louis est en fête. Heureuse de voir rejaillir sur elle un peu de l’éclat des grands tournois de la politique, la cité du Missouri s’apprête à faire à ses hôtes un accueil digne d’elle.

Le cadran de la vaste horloge du City Hall est repeint à neuf. De grands panneaux électriques, aux ampoules fraîches, souhaitent en lettres flamboyantes, aux visiteurs obscurs ou célèbres, une resplendissante bienvenue. Le météorologiste officiel, après avoir, en bon démocrate, déversé sur Chicago le flot ininterrompu de sa pluvieuse rancune, vient d’annoncer le retour, tant attendu, du soleil. Dans une éblouissante floraison de bannières et d’oriflammes aux vives couleurs, c’est le débordement continu du patriotisme le plus criard. Sans interruption, les fanfares entonnent les notes vibrantes de la « Bannière Étoilée. » Sur leurs poitrines gonflées d’orgueil, délégués et visiteurs étalent, avec ostentation, des drapeaux grands comme des mouchoirs. Certains, pour manifester, d’une manière plus éclatante, leurs inébranlables convictions, ont revêtu