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noir d’une délégation du Sud, crie : « C’est Teddy qu’il nous faut ! » De multiples voix reprennent le refrain ; on chante en chœur : « We want Teddy ! We want Teddy ! » (C’est Teddy qu’il nous faut ! Nous voulons Teddy !) Ce n’est plus une rumeur, c’est une tempête, c’est un cyclone. La plupart des délégués restent impassibles. Qu’importe ? A défaut de leurs voix, c’est, dans les galeries, la voix du peuple qui, dominant les querelles de parti, exprime sa reconnaissance au premier des Américains. Et quarante minutes s’écoulent jusqu’à ce que la foule lasse, épuisée, accablée, vaincue, consente à prêter, dans l’indifférence la plus froide, une vague inattention aux médiocres orateurs qui viennent présenter encore à l’assemblée quelques pâles candidats.

... L’heure des votes est venue. Vers huit heures, on procède au premier scrutin. Deux tours successifs donnent des résultats confus. Au premier, Hughes est en tête, avec deux cent cinquante-trois voix, Roosevelt huitième avec soixante-sept. Au second tour, Roosevelt gagne douze voix, et Hughes soixante-quinze. Root, Burton, faiblissent graduellement. De plus en plus, les voix se désagrègent. Elles quittent les candidats secondaires pour venir à l’espoir du parti. 3Iais on remet au lendemain la suite du scrutin, pour permettre, entre les chefs, les derniers entretiens, entre les candidats, les dernières manœuvres.

Au Colisée, toute chance a, pour Roosevelt, désormais disparu. Mais à l’Auditorium, les fidèles du colonel ne le comprennent pas encore. Malgré leur impatience, ils attendent, pour le présenter, que les républicains l’aient choisi. L’écho de la grande manifestation de sympathie du Colisée trompe leur espérance. « Je connais, dit un délégué, bien des favorite sons qui donneraient un million de dollars pour une minute de cette acclamation. « Mais ce n’est qu’une illusion, où l’idolâtrie d’un grand homme attarde des partisans qui ne veulent tenir compte d’aucune des réalités, fût-ce celle, nette jusqu’à la brutalité, des chiffres, qui maintenant arrivent.


10 juin

Pendant la nuit, entre les républicains, la situation s’est éclaircie. Déjà Weeks a passé ses voix au juge. On attend, de Sherman, le même renoncement. A onze heures et demie, les délégués arrivent en groupes, causant tranquillement. A midi,