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Puis l’ordre se rétablit. L’appel des Etats reprend, l’Arkansas cède son tour à l’Ohio. Le gouverneur Willis monte sur l’estrade, et, brandissant un petit éléphant à la houssière rouge : « Si New-York ne peut résoudre la question de savoir à qui l’éléphant appartiendra, l’Ohio vous porte une solution. » Et d’énumérer les titres de son candidat. Mais, quand, à la fin de son discours, il reprend l’éléphant et, le lançant en l’air, tente de déchaîner la grande tempête d’enthousiasme, il ne réussit qu’à obtenir une manifestation qui, moins ardente que les précédentes, n’a plus, malgré sa durée, qu’un caractère plutôt artificiel.

C’est plus tard que le grand mouvement se déclenchera.

Tour à tour, le sénateur Lodge, du Massachusetts, pré- sentant son collègue, John W. Weeks, puis le représentant du Delaware, recommandant le colonel Dupont de Nemours, d’autres le général Wood, MM. Sherman. Fairbanks, Cummins, ont égrené, devant l’assemblée lassée, la monotone kyrielle des favorite sons, quand enfin, le sénateur Fall, du Nouveau-Mexique, aborde l’estrade. Caustique, il attaque l’administration : « Ayez soin, » continue-t-il, « de bien choisir votre chef, parce que de l’Exécutif dépend la direction des affaires extérieures. Les yeux de toutes les grandes nations en guerre sont tournés vers vous, l’attente de toutes les nations neutres dans le monde vous suit, espérant que vous pourrez obtenir la protection de leurs droits et des vôtres... Dans la vision des chefs de toutes les grandes nations en guerre, apparaît la colossale figure d’une virile Amérique. Au faîte de l’espérance de toute nation neutre vient le nom d’un grand Américain. Le passé de cet homme est aussi clair que le jour. Sa valeur est reconnue par toutes les nations du monde ; elle est écrite dans les régions les plus éloignées du globe, et ses actes se sont, en caractères indélébiles, inscrits dans l’histoire d’Amérique. Insister serait inutile, parce qu’il est connu de chacun de vous. Je recommande à vos votes Théodore Roosevelt. »

A ces mots éclate le plus sauvage, le plus long et le plus spontané des mouvemens du jour. De nombreux délégués sont debout. Ils agitent des drapeaux, lancent en l’air leurs chapeaux, acclament « Teddy » avec enthousiasme. « Teddy n’est pas mort ! » crient ses partisans. Une imposante manifestation commence : le drapeau de la « Caroline du Nord, » saisi par les partisans de Roosevelt, est promené de long en large. Un vigoureux