Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/651

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fractions du parti, de l’éléphant et du Bull Moose, parait de plus en plus hypothétique. Le puissant sénateur Penrose, de Philadelphie, qui dispose, par son action sur cinq Etats et quelques délégations éparses, de deux cent cinquante voix, hésite à les porter à Roosevelt, contre lequel les rancunes et les défiances n’ont pas désarmé. Il est de ceux qui ne votent qu’à bon escient, pour le succès. Cependant, malgré les conspirations des uns et les intrigues des autres, il ne semble pas régner, entre les deux partis, l’animosité d’il y a quatre ans. Et l’on garde encore, pour cette raison, quelque espoir. Les chefs républicains restent indécis. Ils craignent Roosevelt, et savent que ce serait folie de nommer, sans son approbation, un candidat secondaire. Aussi leurs espérances commencent-elles à se tourner vers le juge Hughes. Les progressistes, pensent-ils, n’oseront pas rejeter un homme que sa longue et irréprochable carrière au service de la cause publique rend presque invulnérable. Mais Roosevelt, au courant des progrès de la candidature de Hughes, tente, par une manœuvre brusque, d’accabler, à tout jamais, son adversaire.

Les fils téléphoniques privés qui réunissent Oyster Bay, que n’a pas quitté le colonel, à Chicago, s’échauffent. L’ancien sénateur du Maryland, M. William P. Jackson, vient de télégraphier à M. Roosevelt pour le presser de venir à Chicago. Roosevelt répond : il est prêt à venir si la convention républicaine l’appelle. Comme il sait bien que la convention républicaine ne l’appellera pas, comme il n’ignore pas que, grâce au silence absolu qu’il garde avec autant de correction que d’habileté, le juge Hughes a vu, dans les conversations de couloirs et les conciliabules d’hôtels, le nombre de ses partisans croître sans cesse, il fonce, avec ardeur, sur le rival dont la candidature lui barre la route. Profitant de ce que l’alliance allemande- américaine, s’emparant du silence du juge pour l’interpréter à sa guise, a déclaré qu’il est le seul candidat pour lequel elle puisse voter, le colonel insinue que le favori des républicains ne saurait donner au pays aucune garantie : « Les Allemands-Américains, télégraphie-t-il à M. Jackson, cherchent à terroriser la convention, pour faire élire en novembre un homme qui ne sera pas en réalité un président américain, mais le vice-roi d’un gouvernement étranger. A votre convention de le répudier expressément, en choisissant un homme d’une telle force, d’un