Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/648

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un silence impénétrablement figé dans la courtoisie du sourire, il donne l’impression d’une exceptionnelle maîtrise de soi, qui mettrait au service des idées de Roosevelt le sang-froid d’un Wilson. Ce qui plait en Roosevelt, ce sont les idées ; en Wilson, c’est la manière. En Hughes, pourrait s’opérer leur union. Le pays le sait et Roosevelt le craint. Ne lui prête-t-on pas ce mot : « Entre Hughes et Wilson, il n’y a que l’épaisseur d’une lame de rasoir.

Tandis qu’au Colisée la séance se lève dans l’incertitude sur le discours du président Harding, à l’Auditorium, vaste salle de concert occupée per les progressistes, le nom de Roosevelt est à peine prononcé qu’une manifestation d’enthousiasme aussi nette, aussi chaleureuse que l’attitude, au Colisée, restait incertaine, expectante et froide, se déchaîne soudain.

On crie, on hurle, on arrache des bannières, oh brandit des drapeaux. En bras de chemise, les délégués bondissent du parterre à la scène et de la scène au parterre ; ils se culbutent, se passent sur le corps, se précipitent vers la rue ou montent à l’escalade des galeries, tandis que les spectateurs en délire, étouffant de leurs clameurs l’orchestre, saluent à tue-tête, du refrain : « Nous voulons Teddy ! » l’apparition processionnelle d’un millier d’oriflammes, où se lisent les cris de guerre du parti : « Le peuple veut Teddy. » « La sûreté d’abord : T. R. » « Pourquoi courir des risques ? Nous savons ce que peut Roosevelt. » Et, pensant au Mexique : « Si Teddy avait été président, où serait Villa ? » « Roosevelt est fait pour commander, non pour marcher à la suite des autres. » Enfin, après une heure et demie d’un tumulte des plus américains, les grandes vagues de l’agitation s’apaisent ; la foule épuisée, à bout de souffle, se rend, sinon à la raison, du moins à la fatigue, pendant que le président, reprenant à l’assemblée sa formule, conclut : « Les progressistes sont prêts à se rallier, si les républicains font choix d’un candidat fidèle aux principes progressistes. » Et, comme si la question de programme primait tout, alors qu’en réalité la scission des partis s’est faite sur une question de personne, il continue : « Le principe est plus grand que le parti ; s’il le faut, les progressistes marcheront seuls. » Et, pour terminer : « Le pays, en ce moment, a besoin d’un homme ; il veut un leader qu’il connaisse et qui sache parler en son nom, qui soit ferme dans les relations internationales,