habilement, en un retentissant discours du 15 février 1916 à New-York, Elihu Root a orienté la plate-forme électorale vers l’attitude des États-Unis dans la guerre européenne, la défense du droit violé par l’invasion de la Belgique et le torpillage du Lusitania, la nécessité de substituer à une politique, « qui montre le poing d’abord, le doigt ensuite, » une attitude telle que la progression inverse produise son effet. La scission de 1912 s’était, en réalité, moins faite entre deux partis qu’entre deux ambitions, ou, pour mieux dire, entre une discipline qui imposait Taft, et un enthousiasme qui ne pouvait se détacher de Roosevelt. Du Colisée à l’Auditorium, des républicains aux progressistes, la distance n’est manifestement pas un éloignement d’idées, mais de personnes.
Qu’un même nom passe dans les deux assemblées, et la réconciliation, tant désirée, s’opère. Il suffirait, pour cela, au Grand Vieux Parti, d’accepter Roosevelt, aussi fort aux yeux des adversaires de l’Administration que le président actuel leur semble faible, aussi courageux que, pour eux, il est timide, aussi net et décidé qu’il leur paraît hésitant, aussi franc, aussi enthousiaste qu’il leur semble silencieux et froid. Les républicains lui savent gré d’avoir dit qu’il aurait protesté contre la violation de la neutralité belge, et croient que, par son attitude, il aurait, non seulement empêché le retour, mais prévenu l’accomplissement du torpillage du Lusitania. L’Amérique aime en lui l’alliance d’une énergie qui lui fait réclamer une plus grande marine, une plus ferme politique étrangère, et du pacifisme de bonne marque, essentiellement fondé sur le droit, qui lui permit, après une heureuse médiation dans la guerre russo-japonaise et l’initiative officieuse de la seconde Conférence de La Haye, de recevoir, à Christiania, le prix Nobel de la paix. Plus d’un craint, cependant, que, par son attitude trop nette, trop tranchée, son intempérance de parole, sa frénésie d’action, le sens que, fatalement, les Empires du Centre attacheraient à son élection, son choix ne fasse perdre trop promptement aux Etats-Unis le bénéfice d’une paix que, sans rien abdiquer de l’honneur ni de la dignité de la nation, les timides espèrent, malgré tout, garder. Plus d’un admirateur du « Colonel » applaudit à ses idées, à son programme, qui, pour l’exécution, redouterait son tempérament et sa manière. Surtout, sa scission de 1912, suivie de la défaite du parti, a créé trop de rancune, trop