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A neuf heures et demie du matin, les portes du Colisée s’ouvrent. Dans le vaste hall, dont la nef géante dresse la puissante membrure de son armature métallique, un millier de délégués prennent place. Dans les galeries s’entasse, autour et au-dessus d’eux, une foule compacte. Sur une estrade, une table très simple. Derrière elle, accroché à la muraille, un portrait de Lincoln. Le fond de l’air est froid, les délégués anxieux, le public incertain, la foule silencieuse.

Après une longue attente, le président de la Commission républicaine, organe central du parti, M. Charles D. Hills, ouvre la séance, avec ce mot de Mac-Kinley : « Politique et patriotisme ne font qu’un. » Puis l’assistance entonne le cantique « America. » L’évêque presbytérien de Chicago dit la prière. La Convention se fait photographier au magnésium. Un secrétaire lit l’acte qui la convoque. Enfin, entre les cordons rouges qui, sur l’estrade, enserrent le fauteuil présidentiel, le gouverneur Harding s’avance. Grand, les épaules larges, la face glabre, il s’exprime lentement, mais avec facilité. D’une voix qui porte aux extrêmes confins de la vaste salle, il recommande l’oubli des luttes qui dans le passé, — le tout récent passé de 1912, — ont, — et dans cette même salle, — divisé le parti républicain. L’espérance d’une réconciliation passe sur l’assemblée. Mais n’est-ce pas, à bien peser les mots, plus un désir qu’une espérance ? Que la réconciliation soit nécessaire, nul n’en doute. Mais est-elle possible ? Et par quels moyens ?

A ce problème il n’est qu’une solution : des deux côtés, s’entendre sur un même programme, puis sur un même nom.

Désireux de donner plus de mouvement, plus d’allant au parti républicain, attardé dans la béatitude du standpattism, les progressistes ont, en 1912, mis dans leur programme l’impôt fédéral sur le revenu, le vote des femmes, l’élection des sénateurs par chaque Etat, au suffrage universel direct, une législation protectrice du travail, bref » le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, » Le Grand Vieux Parti (Grand Old Party), plus modéré, plus lié aux puissances du capital et au maintien du statu quo, n’a pas la même ardeur de réforme. Mais, entre leur plate-forme et celle des progressistes, aucune différence fondamentale n’apparaît. En existerait-il une, elle serait promptement atténuée : la défaite de 1912 fut un avertissement, dont la leçon ne saurait être perdue. D’ailleurs, très