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exemple, et de les imposer dans le cas où ce chiffre accuserait une plus-value par rapport à une date antérieure. Dans un troisième système, on ne tient pas compte du passé, de l’époque qui précédait la guerre ; on s’occupe uniquement de comparer le revenu avec le capital possédé et on taxe le revenu lorsqu’il dépasse un pourcentage fixé par la loi. Ici on peut arriver à taxer des revenus de guerre qui non seulement ne dépassent pas les revenus de paix, mais qui même leurs seraient inférieurs ; c’est ce qui se présente dans l’hypothèse où le taux du pourcentage avant la guerre était supérieur à celui que la loi fixe comme point de départ de l’impôt.


I. — FRANCE

L’idée de l’impôt tel qu’il a été conçu en France séduit au premier abord. Elle flatte le sentiment d’égalité qui se retrouve toujours au fond de l’âme humaine, puisque le résultat de cette taxe spéciale doit être d’obtenir le versement dans les caisses publiques d’une partie des bénéfices réalisés par certains membres de la communauté, alors que beaucoup d’autres souffraient. La majeure partie de ces bénéfices provient directement ou indirectement de contrats faits avec l’Etat, et qui procurent aux fournisseurs des profits extraordinaires. Si tel est le cas, — et chacun sait qu’en mainte circonstance il en est bien ainsi, — cela prouve une fois de plus que l’Etat est un détestable commerçant, qu’il fait mal ses commandes, qu’il paie beaucoup trop cher. Nous ne méconnaissons-pas les circonstances exceptionnelles au milieu desquelles la guerre a éclaté et qui expliquent en partie les fautes commises par l’Administration. Ce n’est pas le moment de rechercher les responsabilités ; dans bien des cas, la nécessité d’agir vite a fait accepter des propositions qui, en temps normal, eussent été passées au crible d’une discussion plus serrée et d’un examen plus sévère. Mais il n’en est pas moins évident que l’impôt sur les bénéfices de guerre, dans la pensée de ses créateurs et surtout dans l’opinion populaire, constitue une sorte de reprise par l’Etat des avantages excessifs qu’il a eu le tort de consentir à un certain nombre de privilégiés.

L’un des inconvéniens de cette façon d’agir est de ne pas atteindre les profits réalisés par les étrangers sur des marchés conclus au dehors, ni sur des fournitures faites par des manufactures