Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/615

Cette page a été validée par deux contributeurs.

suave qui rend si clair et si apaisé « le sourire de l’Île-de-France… »

Oh ! il les chérit ces paysages de France ; pour les lignes de ceux-ci quels doux mots ! quelle amitié pour leurs beaux arbres ! Clairs de lune à travers les fraîches ramures noires, crépuscules sur les frémissans peupliers, avec quel frisson délicat dans ses vers ou ses phrases, il sait vous évoquer, vous peindre ! Dans les lettres aussi j’ai marqué à ce sujet maints passages dont je ne citerai que ces lignes :

« Je ne suis pas en Argonne comme vous semblez le croire, mais ce que j’ai devant les yeux, ce sont les collines de la Champagne, suave écran sur ce paysage d’estampe japonaise, et derrière mon dos, appuyé contre l’humide cahute où je dors, passe un canal situé à l’Est de Reims… »

Plus loin : « Il fait une journée superbe, le soleil rayonne sur les sapins et les bois dépouillés de feuilles. Les champs sont mauves et rosés. Il gèle ; mais le froid est si sec et le vent si rare qu’on en éprouve un véritable plaisir. » Et encore : « J’ai dit ce matin adieu à la lointaine silhouette de Notre-Dame de Reims que j’aurais voulu contribuer par l’offensive à délivrer des bombardemens des Vandales. Enfin j’ai tout de même la satisfaction de penser que nous avons tenu par ici pendant six mois. Oh ! je la connais cette terre de Champagne ! je m’y suis imprimé. Elle m’a été dure, mais charitable, puisqu’elle protégea mon sommeil et que j’en ressors avec le printemps et les moissons nouvelles plein de confiance et d’espoir ! »

Que ces lignes émeuvent ! Oh ! cette terre comme il la fait sienne ! comme il s’y blottit filialement avant qu’elle ne l’accepte et le prenne à jamais !


Il faut reprendre ces lettres dès le début et les lire une à une religieusement. Elles contiennent à peu près toute la vie d’Hernando depuis son engagement au 1er Étranger jusqu’à sa mort, et l’on y sent souvent le battement même de son âme, cette âme si noble, si généreuse et presque si sainte dans sa beauté.

En août 1914, il s’engagea et fit partie de cet admirable bataillon C du 2e régiment de marche du 1er étranger où commanda quelque temps, — c’est-à-dire jusqu’à sa mort, — le lieutenant